Moyen-âge: Une imposture ?
Je profite de cet intermède dans notre vie habituelle et les travaux de jardinage connexes, pour vous proposer ici des éléments inconnus de beaucoup et que je pense être extrêmement importants pour notre Bien commun.
Ceci est donc un article de fond qui, très loin d’être étranger à la thématique de ce blog, est au contraire en son épicentre même et sa source d’inspiration profonde.
Je ne sais pas si vous vous intéressez à l’Histoire ? Pour ma part je m’y intéresse énormément… Pourquoi ? Tout simplement parce que
l’Histoire c’est notre mémoire commune et qu’il ne peut y avoir de Bien commun sans mémoire commune.
Comment prétendre comprendre le présent qui nous entoure si notre mémoire est défaillante ou faussée pour telle ou telle raison ?
Et si nous n’appréhendons pas correctement le présent, comment diable avoir quelques chances de nous y situer de façon juste ?
Dès lors, concernant le futur, quelles options, quels choix, quel chemin sont-ils souhaitables ?
Pour mon propre futur d’une part, mais aussi pour notre futur collectif ?
Au delà de toutes nos différences de croyances et d’opinions, nous avons tous appris à l’école que nous vivions depuis l’avènement de la République, donc depuis la « révolution » dite « française » de 1789 dans un processus continu de « Progrès ».
Fort bien, mais de quel « Progrès » parle-t-on ? car « Le Progrès » (ainsi proposé et surtout jamais débattu) n’a aucun sens réel et demeure pure abstraction !
Alors ?
Progrès des sciences physiques, techniques et des technologies: Certes.
Progrès des conditions de vie matérielles: Au vu des impasses écologiques dans lesquelles nous arrivons, celles-ci vont s’avérer pour le moins de plus en plus précaires et chaotiques… Bien qu’ayant été améliorées, il est vrai, pendant quelques dizaines d’années (ce qui, au regard de deux mille ans d’Histoire est extrêmement peu durable, on doit en convenir)
Progrès de la santé humaine: Progrès dû essentiellement à une hygiène de base améliorée… Les antibios et autres molécules de synthèse, sans même parler des fameux « vaccins » finissant par engendrer d’autres troubles qui aboutissent peu à peu aux innombrables « maladies de civilisation » souvent incurables ! Depuis quelques temps l’apparition d’injections très suspectes, dont nous commençons tout juste à constater des effets « expérimentaux », ahahah, peuvent aussi être placés dans l’équation. …
Nous avons donc acquis au cours de « l’époque moderne » un certain confort matériel dû à l’essor des nombreuses et merveilleuses technologies dont nous disposons. Ceci est évident mais serait néanmoins arrivé quelque soit le « régime politique ».
Cependant je suis persuadé que tout ce « développement » dans la sphère purement matérielle n’a pu avoir lieu qu’au détriment d’autres sphères dont l’humain a été aujourd’hui tragiquement dessaisi pour des raisons de domination. De plus, depuis le tournant des années 1970, nous assistons à un singulier retour de bâton de toutes ces « merveilleuses technologies » !
Une chose est certaine: Jamais dans l’Histoire connue, nous n’avons été aussi coupés de la Création d’une part, et de notre semblable d’autre part.
Quid de cet ahurissant parcage industriel inhumain des foules (Plusieurs millions !!!) dans des camps immenses ? Non, ces conurbations sans âmes sur des kilomètres et des kilomètres ne sont plus des villes du tout, désolé, mais bien des camps où les barbelés sont inutiles puisque intégrés dans les crânes eux-mêmes par une pensée servile !
Quid des impasses écologiques que cette forme « d’organisation » (ou de chaos ?) suppose ?
Quid des impasses humaines (criminalité, bruit omniprésent, entassement, laideur et standardisation des habitats industriels, solitude et individualisme destructeur, drogue et détresse omniprésentes, etc…) ?
Bref.
Pourquoi Diable ce fichu « Progrès » va-t-il toujours dans le même sens et sans jamais aucun débat d’importance sur son origine, sa nature, son but final ?
Aurions-nous donc fait une succession de choix aussi désastreux que récurrents ? Ou bien aurions-nous été, comme je suis amené à le penser désormais, trompés de façon intentionnelle sur la marchandise dans un but bien précis ?
…Et si c’est le cas: Par QUI et POURQUOI ?
Toutes ces interrogations me semblent aussi urgentes que légitimes car nous sommes à la porte du chaos désormais. Nous devons donc rapidement tout remettre à plat et ré-évaluer les causes historiques nous ayant mené là où nous sommes.
Je vous propose donc ici une autre vision de l’Histoire: Une vision, étayée par de nombreux historiens et débarrassée des propagandes grossières du Régime actuel concernant le Moyen-Âge et l’Ancien Régime. Tous les documents recueillis permettent en effet désormais de croiser de nombreuses données factuelles et d’avoir une vision d’ensemble suffisamment cohérente.
Si le sujet est de quelque intérêt pour vous, je vous invite à lire l’intégralité des ouvrages cités ci-dessous, ne pouvant en citer davantage dans le cadre d’un article de simple vulgarisation.
Nous comprendrons dès lors peut-être pourquoi « l’Ecole de la République » où nous sommes tous allés user nos fonds de culottes, a tant dévalorisé le dit « Ancien Régime » et le dit « Moyen-Âge ».
Car les choses sont radicalement différentes de ce que l’on a voulu absolument nous fourrer dans le crâne !
Avec quelques recherches et recoupements divers, il est dorénavant assez aisé de suivre la logique qui prévaut derrière le fil de notre Histoire. Souvenons nous que notre temps « d’Apocalypse » (Apocalypsos en grec) signifie avant tout « Dévoilement », « Révélation »…
A vous de vous faire votre idée cependant.
Pour un esprit honnête, ouvert et logique, avec les données adéquates et non systématiquement occultées ou travesties par les versions officielles du système, il est aisé de saisir en profondeur le cours réel de l’Histoire qui est la nôtre, ainsi que ses véritables enjeux…
Ainsi il devient limpide comme de l’eau de source que, ni le « Moyen-Âge » ni « l’Ancien Régime », ne furent ce que l’ « on » nous dit qu’ils furent !
Bonne lecture !
Le Moyen Age
Âge d’or de l’Occident ?
« En ce temps-là (Xe-XIIIe s.), seigneurs et paysans vivaient l’âge d’or économique de l’Occident, grâce à l’amélioration des alliages métalliques qui leur permettait de remplacer l’araire de bois par un soc de charrue en métal, source de meilleures cultures. le paysan partait travailler avec une hache et des outils tranchants, qui lui donnaient l’occasion de défricher, de gagner des surfaces cultivables sur les forêts, et donc d’augmenter ses bénéfices »
(Magazine « Histoire du Christianisme », N° 28, juin 2005, page 76)
Une économie « bonne et loyale »
*
« Telle est l’économie médiévale qui a bien mérité son nom d’économie « bonne et loyale ».
« L’historien Pirenne la déclare « digne des cathédrales dont elle est contemporaine »; et d’énumérer ses caractères:
« Elle assuré aux bourgeois le bienfait de la vie à bon marché;
elle a impitoyablement poursuivi la fraude,
protégé le travailleur contre la concurrence et l’exploitation,
réglementé son labeur et son salaire, veillé à son hygiène, pourvu à l’apprentissage,
empêché le travail de la femme et de l’enfant (On se reportera avec fruit aux deux volumes qu’Henri Pirenne a consacré à la question, sous le titre « Les villes au Moyen Age »)
(Source: Georges et Régine Pernoud, Le tour de France médiévale, L’histoire buissonnière, Stock, Évreux 1982, p. 283).
L’idéal humain sous Saint Louis: la « prud’homie » (Jean Richard)
« L’idéal humain de Saint Louis est la « prud’homie », qu’on ne saurait définir autrement que comme une conduite conforme au code de l’honnête homme tel que pouvait le concevoir le XIIIe siècle.
« Parmi ses composantes figurent la courtoisie, l’esprit de justice, la modération, la franchise et le souci d’observer les convenances »
(Jean Richard, Saint Louis, Librairie Arthème, Éditions Fayard, Mesnil-sur-l’Estrée 1991, p. 146).
La Justice au coeur des institutions médiévales
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Dans les instructions laissées par Saint Louis à son fils, on lit:
« Cher fils, s’il advient que tu deviennes roi, prends soin d’avoir les qualités qui conviennent à un roi; c’est-à-dire que tu sois si juste, que, quoi qu’il arrive, tu ne t’écartes pas de la justice. Soutiens de préférence le pauvre contre le riche jusqu’à ce que tu saches la vérité; et, quand tu la connaîtras, fais justice » (Jean Richard, Saint Louis, Librairie Arthème, Éditions Fayard, Mesnil-sur-l’Estrée 1991, p. 304).
La féodalité, « une famille véritable » (Funck-Brentano)
« Le fief apparaît au XIe s., comme une famille « majeure » dont le suzerain est le père; aussi bien, pour désigner l’ensemble des personnes réunies sous le gouvernement d’un chef féodal, les contemporains se servent du mot Familia. »
« Le Baron – ce mot veut dire « maître » – placé à la tête du fief, est un chef de famille. Celle-ci compte tous ses fidèles, ses sujets, et il conviendrait de reprendre cette expression. Le baron appelle ses sujets sa « parenté ». Les membres en sont solidaires les uns des autres, comme ceux d’une même famille, qu’il s’agisse du bien ou du mal. »
« A vous sera la faute, dira un vassal à son seigneur, à moi est le dommage: et vous en aurez une part, car le dommage est à celui qui tient la seigneurie, aussi m’en devez-vous garantir. »
(Frantz Funck-Brentano, L’Ancien Régime, Les Grandes études Historiques, Librairie Arthème Fayard, Paris 1926, pages 16-17).
Frantz Funck-Brentano insiste aux pages 116-117: « Le Baron féodal est un chef de famille; aussi bien l’ensemble de ses vassaux et tenanciers est nommé par les textes du temps sa famille: Familia.
« Grande famille que le Baron protège de son épée, et qui, à l’ombre de son donjon, peut vivre et prospérer… Les gens du pays environnant se réfugiaient en cas de danger dans l’enceinte du château. Ils y trouvaient abris pour eux, pour les leurs, pour leur bétail, pour leur ‘butin’: Retrahants de la Chatellenie, de « retrahere » latin, se retirer.
« Notez ici que nos paysans de l’Ancien Régime appelaient leur maison familiale, la retirance: tel le château du baron aux origines de la féodalité…
« Seigneurs féodaux qui rappellent les rois de la Grèce primitive chantés par Homère, semblables aux guerriers épiques qui combattaient sous les murs de Troie: soldats et laboureurs, pareils à cet Ulysse, roi d’Ithaque, habile à tracer un sillon dans les champs. (Frantz Funck-Brentano, ibid., p. 116-117)
« En retour le vassal est lié à son suzerain par les sentiments et les devoirs du fils envers son père: il doit le servir avec amour, le suivre à la guerre, prendre son avis dans les affaires importantes; il lui doit affection, aide, fidélité; et ces sentiments engendrés par cette parenté fictive que créé le lien féodal, mais inspirés par les liens et par les sentiments de la famille véritable, – sont si forts qu’ils l’emportent sur les obligations de la parenté elle-même » (Frantz Funck-Brentano, ibid., p. 17)
« La Mesnie (du latin « mansionata », maison) est issue de la famille, le fief est sorti de la Mesnie; les petits fiefs ont produit les grands fiefs, et de ceux-ci est issu le pouvoir royal, portant au sommet d’une grande nation le caractère et les traditions d’une grande famille.
« Par l’autorité du baron féodal, le pouvoir royal est ainsi sorti de l’autorité paternelle. Le roi, dit Hugues le Fleuri, est l’image du père. Et gardons-nous de ne voir ici qu’une filiation abstraite, une origine lointaine qui se dessinerait par des formes extérieures, par des mots ou des formules; nous découvrons une origine directe, établie par des faits précis et dont nous verrons les conséquences se poursuivre à travers les siècles de la manière la plus vivante.
« Ce caractère paternel, familial, patronal, féodal, disons le mot, en lui attribuant son sens véritable, fera la GRANDEUR DE LA MONARCHIE FRANCAISE. Il en fera la beauté et la bienfaisance »
(Frantz Funck-Brentano, L’Ancien Régime, Les Grandes études Historiques, Librairie Arthème Fayard, Paris 1926, page 18)
Fêtes commémoratives, danses et repas pris en commun
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« Cette noblesse vit familièrement avec ses vassaux et les plus humbles. Elle se mêle, avec femme et enfants, aux fêtes populaires, où le seigneur, la châtelaine et leurs demoiselles dansent avec les paysans. Aux fêtes commémoratives en des repas en commun, dans la prairie verdoyante, sous les grands ormes de la place, le gentilhomme s’attable avec ses tenanciers, ayant apporté vin et gibier et les épices pour relever le menu »
(Frantz Funck-Brentano, « L’Ancien Régime, Les Grandes études Historiques », Librairie Arthème Fayard, Paris 1926, p. 133).
Le seigneur joue avec les gars et trinque avec eux !
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« Le Seigneur joue aux boules, aux quilles avec les gars et trinque avec eux. Il intervient dans leurs querelles; apaise leurs différents, familièrement » (Frantz Funck-Brentano, L’Ancien Régime, Les Grandes études Historiques, Librairie Arthème Fayard, Paris 1926, p. 133).
« Jusqu’au coeur de la Révolution, en Vendée, dans le Bocage poitevin et dans le Marais, seigneurs et paysans ont gardé cette union étroite:
« Ils se rencontraient aux champs, à l’église, dans les marchés, écrit Pierre de la Gorce. Les jours de fête, le château prêtait sa pelouse pour les danses »… Seigneurs et métayers allaient chasser ensemble.
« On vit jusqu’au coeur de la Révolution, en Bourbonnais, les paysans arracher de l’église le banc du maire jacobin qui avait remplacé celui du châtelain. »
« Ils avont brûlé le banc de not’ bon seigneur », disaient les braves gens pour leur défense » (Frantz Funck-Brentano, L’Ancien Régime, Les Grandes études Historiques, Librairie Arthème Fayard, Paris 1926, p. 437).
Le sens de l’honneur
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« la famille formait un bloc dont les diverses parties se tenaient étroitement… L’honneur de l’un des parents rejaillit sur tous, et de même les fautes qu’il a pu commettre, la honte qui a pu tomber sur lui.
« L’origine de ces nobles sentiments remontait, comme la constitution de la famille elle-même, aux premiers temps du Moyen Age. Quand, sous la menace de l’innombrable armée sarrasine, Olivier à Ronceveau demande à Roland de sonner de l’olifant pour rappeler Charlemagne et le gros de l’armée française, Roland s’y refuse de crainte que ses parents n’en soient déshonorés: « A Dieu ne plaise. Que mes parens pur mei seient blasmés!… »
(Frantz Funck-Brentano, « L’Ancien Régime, Les Grandes études Historiques », Librairie Arthème Fayard, Paris 1926, p. 89-90)
Grandeur et gloire de la féodalité
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« Telle fut l’âme de la féodalité. En elle la France s’organisa. Tout ce qui en est sorti de grand et glorieux, est-il utile de le rappeler ? »
(Frantz Funck-Brentano, ibid., p. 17).
Valeur de l’architecture médiévale
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« Les XIe, XIIe, XIIIe siècles français sont la plus grande époque de l’histoire du monde. Dans la suite, quand les institutions féodales ne correspondront plus à un Etat social modifié, le terme de « féodalité » sera pris dans un sens défavorable; mais les plus grands esprits lui ont rendu justice, depuis l’économiste Frédéric Le Play, jusqu’à l’architecte et archéologue Viollet-le-Duc » (Frantz Funck-Brentano, L’Ancien Régime, Les Grandes études Historiques, Librairie Arthème Fayard, Paris 1926, p. 18).
« Le château féodal comprend une exploitation agricole. A construire ces demeures féodales, patriarcales et militaires, qui formaient les centres multiples autour desquels gravitaient les mille et mille petites sociétés autonomes dont la juxtaposition faisait la société du moyen âge, nos aïeux mirent un art merveilleux.«
Viollet-le-Duc a placé l’architecture civile et militaire du moyen âge au-dessus même de son architecture religieuse » (Frantz Funck-Brentano, ibid., p. 117).
Protection du faible par le fort: une nécessité
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« La féodalité qui assurait la protection du faible par le fort, avec réciprocité de dévouement du protégé à son patron – le mot est également du temps, – n’a pas seulement engendré les fiefs proprement dit: les domaines agglomérés autour d’un château; elle a formé les villes; de la féodalité sont issues les constitutions urbaines; elle a formé les Jurandes et Maîtrises; au clergé lui-même elle a donné son inébranlable constitution » (Frantz Funck-Brentano, L’Ancien Régime, Les Grandes études Historiques, Librairie Arthème Fayard, Paris 1926, p. 18).
Pour le paysan, pour l’artisan, pour le marchand, la protection du seigneur était au XIe siècle une nécessité.
« Gent sans seigneur sunt malement baillis »
lisons-nous dans la chanson de Guillaume d’Orange
(Frantz Funck-Brentano, ibid., p. 117).
« Le seigneur féodal assure la sécurité sur son domaine; son épée permet aux marchands d’y commercer, aux laboureurs d’y travailler; il y apporte d’utiles améliorations. Le village souvent est entouré par lui de fossés et de palissades, afin que les cultivateurs gardent leur bétail à l’abri; en un lieu infesté par les voleurs, il établit un poste d’hommes d’armes; il bâtit une église, fonde un hôpital, fait aménager une place pour les foires et les marchés. Il fait construire des moulins, et des fours, des pressoirs, que les paysans, abandonnés à leurs seules ressources, seraient impuissants à se procurer. En retour de l’usage que ses tenanciers en feront, il tirera d’eux des « banalités » (= loyers). »
« Le vassal vient-il à mourir, le seigneur protège sa veuve, il a soin des orphelins; veuves et orphelins ont en lui un tuteur (Frantz Funck-Brentano, ibid., p. 118).
« Les foires et les marchés peuvent se tenir dans la contrée grâce au seigneur: il donne un conduit aux marchands qui s’y rendent et assure leur sécurité dans l’intérieur de ses domaines; il fait garder les marchandises mises en vente ou amenées à la foire, et, des dommages qui y peuvent advenir, il prend la responsabilité. » (Frantz Funck-Brentano, ibid., p. 118).
Une union étroite entre seigneurs et vassaux
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Seigneurs et vassaux étaient donc unis entre eux par des liens étroits: ils se sentaient indispensables les uns aux autres.
« La seigneurie: une patrie que l’on aime d’un instinct aveugle » (Funck-Brentano)
« La seigneurie, dont l’âme palpite à l’intérieur du donjon de pierre, devient une patrie que l’on aime d’un instinct aveugle et pour laquelle on se dévoue. Elle se confond avec le seigneur et sa famille; à ce titre on est fier de lui, on conte ses grands coups d’épée, on l’acclame quand sa cavalcade passe, le joyeux gonfanon baloyant au souffle du vent »
(Franz Funck-Brentano, « L’Ancien Régime », Les Grandes études Historiques, Librairie Arthème Fayard, Paris 1926, p. 119).
« Le XIIe siècle s’écoule et la majeure partie du XIIIe: La plus belle époque de notre histoire. »
« Sous la douce suzeraineté de Saint Louis la société féodale devait jeter un dernier éclat: Âge d’or, diront cinquante ans plus tard nobles et roturiers »
(Frantz Funck-Brentano, « L’Ancien Régime » Les Grandes études Historiques, Librairie Arthème Fayard, Paris 1926, p. 119-120).
L’Etat contre la féodalité ? Plutôt l’Etat par la féodalité
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« L’Etat (jacobin) qui nie les corps intermédiaires, peut à présent les dédaigner, ou feindre de dédaigner la soumission d’un homme à un autre (rapports féodo-vassaliques), fiction rituelle d’une paternité toute-puissante. Il n’est pas sûr qu’aujourd’hui encore, il puisse se maintenir sans elle.
l’Etat contre la féodalité? Plutôt, l’Etat par la féodalité »
(Jean-Pierre-Poly, « La Mutation féodale, Xe-XIIe siècle », Nouvelle Clio, l’histoire et ses problèmes, PUF, Vendôme 1991, p. 515).
Les clichés: Le peuple d’illettrés
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« …Les livres scolaires, au lendemain des lois sur l’obligation scolaire (Lois scolaires Jules Ferry XIXème siècle), endoctrinaient les enfants dès leurs jeune âge. Les manuels d’histoire accusaient, sans nuance et sans crainte du ridicule l’Eglise médiévale d’avoir mis tout en oeuvre pour maintenir les hommes dans un état de totale inculture. Tous disaient que, pour le clergé, « la diffusion des livres était le triomphe du diable ».
À les lire, s’imposait l’idée que l’Eglise avait « réservé jalousement pour ses moines, dans le mystère des cloîtres, des bribes de science qu’elle se garda bien de communiquer au grand public ».
Ces responsables de l’enseignement républicain, appliqués à forger des esprits, suivaient de très près leurs maîtres, Michelet surtout qui intitulait les chapitres de son « Histoire de France », consacrés à l’Eglise: « De la création d’un peuple de fous » ou encore « La proscription de la nature »…
Certains écrivent qu’avant Jules Ferry rien n’avait été fait pour l’instruction du peuple !
En tout cas, truisme constamment rappelé, aux temps « médiévaux » aucune école ni dans les villages, ni dans les divers quartiers des villes, si ce n’est pour quelques privilégiés… Aussitôt destiné aux carrières ecclésiastiques !
« Or nous voici dans l’erreur la plus totale car toutes sortes de documents (archives comptables des municipalités et archives judiciaires, registres fiscaux) témoignent amplement, pour différents pays, de l’existence, outre le curé et ses assesseurs, de maîtres d’école de profession, régulièrement patentés et rémunérés.
À Paris, en 1380, Guillaume de Salvadile, professeur de théologie au collège des Dix-Huit, chef des « petites écoles » de la ville, réunit les directeurs de ces écoles où l’on apprenait aux enfants la lecture, l’écriture, le calcul et le catéchisme.
Sont présents vingt-deux « maîtresses » et quarante et un « maîtres », tous non-clercs, dont deux bacheliers en droit et sept maitres ès arts
(J. Hillairet, L’Ile de la Cité, Paris 1969, p. 48)
(Jacques Heers, « Le Moyen-Âge », une imposture, Vérités et Légendes », Perrin, Perrin Malesherbes 2001, p. 217-218).
Cliché, le paysan attaché à sa glèbe
*
« Le Moyen Age est le théâtre de grandes migrations : pour explorer des terres lointaines, des villages entiers se déplacent »
(Jean Sévillia, « Historiquement correct, Pour en finir avec le passé unique », Perrin, Saint-Amand-Montrond 2003, p. 27).
« L’image du paysan attaché à sa terre s’est profondément ancrée dans notre bagage culturel; nous y croyons, nous en parlons volontiers: contraintes seigneuriales qui interdisaient de se déplacer, impossibilité de s’établir à son gré… L’image s’est largement diffusée et appliquée à toute condition paysanne.
C’est à tort.
Les hommes de nos campagnes acceptaient alors l’aventure, en de nombreuses occasions. les grandes errances, les déplacements de communautés, les Croisades, les défrichements de terres lointaines, le repeuplement des pays repris aux musulmans jusqu’en Andalousie, tous ces phénomènes parfaitement situés et analysés nous éclairent sur cette aptitude, cette propension parfois à la mobilité; sur ce goût de l’inconnu même. »
(Jacques Heers, « Le Moyen-Âge », une imposture », Perrin Malesherbes 2001, p. 166)
Cliché, le paysan misérable
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Certes, quand un accident climatique ruine la récolte, la famine menace. Il en sera ainsi bien au-delà du Moyen Age, donc bien après la fin de la féodalité, tant qu’on aura pas maîtrisé les techniques de fertilisation des sols et de stockage des grains.
Des paysans pauvres, il y en a toujours au XXIe siècle.
Dès le Moyen-Âge, certains s’enrichissent soit en se mariant, soit en héritant, soit en travaillant beaucoup.
On voit des laboureurs plus fortunés que les petits nobles ruinés par la guerre.
L’alleu, terre privée appartenant à un paysan, se rencontre en Languedoc, en Provence, dans le Mâconnais, en Bourbonnais, dans le Forez, en Artois, en Flandre.
Locataires de leur exploitation, les tenanciers ne peuvent en être expulsés. Ils possèdent le droit de le transmettre à leurs héritiers, ce qui institue de facto des tenures héréditaires.
« De nos jours, le locataire d’une maison, d’un champ, d’une exploitation rurale quelconque, est-il assuré de le rester tout le temps lui sied, aux mêmes conditions, sans augmentation de son loyer quelles que soient la conjoncture et l’inflation de la monnaie ?
Est-il assuré de ne pas devoir quitter les lieux si le propriétaire veut s’y installer, ou établir l’un des siens, ou vendre à une entreprise qui promettrait d’y construire un plus bel immeuble, de plus fort rapport ? Est-il assuré encore de transmettre cette maison ou cette ferme à ses enfants, ainsi de génération en génération, pour le même prix, sans que le propriétaire puisse rien y contrevenir ?
Peut-il vendre son droit d’occupation à bon prix, équivalent à la valeur réelle du bien au jour de l’opération, à un tiers qui prendrait sa place, s’y installerait, ne versant au « seigneur » qu’un pourcentage, au demeurant assez faible, du prix de cette vente ? Peut-il sous-louer avec un fort bénéfice et exiger plusieurs fois le loyer qu’il paie, lui, et qui n’a pas varié depuis des lustres ?
Peut-il partager le terrain en plusieurs lots pour en tirer de meilleurs revenus ? Enfin, vous est-il loisible, locataire d’aujourd’hui, d’hypothéquer ce bien, de le mettre en gage contre un prêt d’argent ? Tout ceci, nombre de tenanciers « non propriétaires » pouvaient, à la ville comme à la campagne, le faire et ne s’en privaient pas…
La tenure, c’est indiscutable, était non seulement viagère mais héréditaire. Seul le preneur pouvait rompre le contrat, fuir, déguerpir ailleurs, là où pouvaient l’appeler de meilleures possibilités. Régulièrement, les fils succédaient aux pères et leurs droits n’étaient pas contestés.
De plus, au cours des âges, ces tenures pouvaient subir toutes sortes d’avatars. Face à de pressants besoins d’argent, le paysan laissait en gage la terre qu’il tenait de son seigneur.
D’autres n’hésitaient pas à sous-louer si l’occasion s’en présentait… En tout état de cause, de ces analyses des conditions sociales ne se dégagent que des contours assez flous, une teinte d’ambiguïté, qui conduisent à penser que l’idée que les gens de l’époque se faisaient de la propriété seigneuriale différait quelque peu de celle, bien mieux tranchée, que nous en avons aujourd’hui »
(Jacques Heers, « Le Moyen-Âge, une imposture », Perrin Malesherbes 2001, p. 171)
Cliché: les impôts insupportables
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« Mis à part certains manuels récents, pas un seul ouvrage de grande diffusion qui ne présente inlassablement le même thème de la pauvreté paysanne; tous, des livres de classe pour nos enfants jusqu’aux volumes agrémentés de belles illustrations, publiés sous la garantie d’un grand auteur, insistent, évoquent les « révoltes paysannes » et, surtout, alignent régulièrement d’impressionnantes listes de taxes et d’impôts. Si vous faites le compte de toutes ces retenues, vous vous apercevez qu’il ne restait vraiment à ces malheureux qu’à peine de quoi vivre, de quoi ne pas mourir de faim.
Cependant tout ceci sent trop bien la mauvaise foi ou, plus souvent peut-être, le conformisme et l’ignorance têtue.
Certes ces catalogues de redevances complaisamment détaillés, si impressionnants, laissent à juste titre accablé.
Mais tout y est truqué, faux, incohérent, truffé d’erreurs grossières et de contradictions.
Comment expliquer qu’un auteur, même polygraphe, même très hâtif, ne puisse s’apercevoir que l’on a mis là ensemble, pour faire très lourd, des prélèvements qui n’ont rien à voir avec l’impôt ou qui découlent de taxes perçues non du fait de la seigneurie, mais des pouvoirs publics ?
Pour les hommes libres, pour lesquels l’on parle communément d’arbitraire et de charges insupportables, chacun des prélèvements régulièrement cités mérite une attention particulière:
Nos manuels citent presque toujours, en premier lieu, le cens dû par le tenancier.
Or le cens, en certaines occasions d’ailleurs seulement symbolique ou très faible, n’est absolument pas un impôt mais un loyer. Il ne viendrait à aucun de nos contemporains l’idée de comptabiliser le loyer de sa maison ou de son commerce, ou de son atelier, de son champ, au titre des impôts !
Manque de discernement ou supercherie?
En fait, dès les premières attaques contre la féodalité, cette affectation d’ignorer la véritable nature du cens n’avait rien d’innocent mais participait d’une volonté de propagande.
Avant même la révolution, plusieurs auteurs, philosophes ou historiens des formes de la vie politique, ont volontairement entretenu la confusion et, pour certains même, laissé entendre que le fait de payer le cens sur ses tenures était une marque de servitude… De telles sornettes se trouvent dans Montesquieu qui écrit, d’une belle assurance: « C’était la même chose d’être serf et de payer le cens, d’être libre et de ne le payer pas ».
Les catalogues des droits féodaux, des redevances en tout cas, font état tout naturellement, de la dîme, perçue par l’Eglise ou par des accapareurs. mais, là aussi, l’examen tourne vite court et n’envisage rarement ni le poids de cette levée, ni sa véritable nature.
Les mises au point pourtant ne manquent pas. Sur le poids tout d’abord: le prélèvement ne s’appliquait pas à toutes les récoltes mais principalement au blé et n’atteignait pas toujours les 10 pour cent, loin de là.
Sur l’usage ensuite: Outre l’entretien du clergé, l’exercice du culte, les messes et prières auxquels nombre de civilisations consacraient et consacrent encore, tout naturellement, des sommes appréciables, l’Eglise assurait alors une part notable de l’assistance publique (hospices, hôpitaux, maisons Dieu, aumônes, enfants abandonnés) et de l’enseignement dans les paroisses.
Faut-il comparer ces prélèvements de 5 à 10 % à ceux d’aujourd’hui pour notre sécurité sociale et au coût de nos systèmes d’éducation ?
Quant aux impôts proprement dits, ceux effectivement perçus comme des taxes spécifiques par tel ou tel seigneur « féodal », notons, avant toute chose, que l’impôt royal est apparu en France, non sans grand mal d’ailleurs, relativement tard, à partir de 1357, avec le système fort complexe et très aléatoire des aides.
Jusqu’alors l’impôt n’était pas perçu par le roi mais par ceux investis d’une part de l’autorité. Tous les maîtres des seigneuries ne pouvaient y prétendre et nombre d’auteurs, avec en particulier Robert Boutruche, ont bien su distinguer la seigneurie « foncière » (la propriété du sol) de la seigneurie banale (pouvoir de commandement, délégation ou usurpation des droits régaliens).
Ces « impôts » étaient donc des « banalités »; ils ne relevaient pas des relations seigneurs-paysans mais de celles entre l’Etat et les sujets. Un long temps accaparés par différents féodaux, ils furent par la suite perçus au profit du roi et, depuis lors, ont connu de belles destinées, en des temps où il n’est question ni de féodalité ni de seigneurie !
Il n’est pas nécessaire d’y penser longuement pour constater que nous en connaissons, sous diverses formes, l’équivalent ou la réplique, largement amplifiée et perfectionnée.
On a beaucoup disserté sur ces banalités, liées donc au pouvoir politique, féodaux si l’on veut et non seigneuriaux; nos manuels ne nous laissent rien ignorer ni de leurs diversités, de leurs ridicules même, ni de leur poids, des entraves que ces prélèvements imposaient à la vie économique. Nos temps de barbarie auraient beaucoup souffert de ces taxes abusives, invoquées à tout propos par des seigneurs qui en inventaient toujours quelques nouvelles et ne mettaient aucun frein à leurs exigences…
D’autres banalités frappaient les droits de passages à un carrefour de routes, à l’entrée d’une seigneurie, sur un pont ou sur le cours d’un fleuve. Ces péages ou « tonlieux » ont eux aussi fait couler beaucoup d’encre, souvent présentés comme les plus graves abus de la féodalité. Le péage féodal fut ainsi, à longueur d’ouvrages, l’objet d’attaques indignées qui ont forgé une image noire… aussi fausse mais aussi solidement ancrée que les autres.
Un auteur du XIXe siècle, emporté par sa verve critique et cherchant comment convaincre davantage, n’hésitait pas à montrer à ses électeurs le commerce ruiné par ces extorsions arbitraires, les communications devenues impossibles, les routes en mauvais état et constamment barrées par des receveurs arrogants…
Comment pouvons-nous charger d’un tel discrédit ces taxes et droits de passages seigneuriaux comme s’ils représentaient, dans l’histoire du passé, une malheureuse exception ?
Pourquoi clamer de si vertueuses indignations alors que tout au long des siècles à travers le monde, et plus particulièrement en Occident, les droits de circulation, les échanges de ville à ville, les passages sur les ponts, etc. ont été sans cesse soumis à ponctions fiscales de toutes natures, dont on ne parle pas volontiers ?
Au temps médiéval, le seigneur n’était certainement pas le mieux organisé. Quant à l’époque moderne et en Europe, faut-il rappeler les droits d’octroi maintenus si longtemps aux portes de nos cités, les péages sur les ponts et ouvrages d’art ? Rien n’a changé et l’habitude de payer paraît acceptée. Aujourd’hui, en Occident et ailleurs, les routes et passages privés, maintenus sans assistance de l’Etat, ne peuvent être empruntés que contre paiement d’un péage, au bénéfice du promoteur et propriétaire, individu ou organisme: droit éminemment privé, fixé ou gré du marché, que nous tolérons naturellement.
Tout indique que l’idée que nous nous faisons, de nos jours encore, des charges fiscales qui, au Moyen Age, pesaient sur les paysans, que ces condamnations des abus que, inlassablement, rappellent nos manuels ou nos récits romancés, résulte d’un parti pris… ou d’un manque de réflexions. Celles-ci devraient, pour une vue plus sereine et plus exacte des choses, s’orienter en deux directions:
D’une part, admettre que la ponction fiscale est un procédé inhérent à toute sorte de gouvernement, de quelque nature qu’il soit: aux temps médiévaux, en Occident, les villes marchandes et les princes avaient établi des organismes de perception plus expérimentés et plus contraignants que ceux des seigneurs féodaux aux réputations pourtant si détestables.
De toute évidence, les taxes n’étaient ni plus nombreuses ni plus élevées en ces temps de barbarie féodale que dans l’Antiquité ou dans les temps dits modernes. Hors d’Occident, ces organismes et officiers sévissaient certainement avec autant de soin et d’exigence.
D’autre part, considérer comme établi que tout renforcement de l’Etat contre les structures particularistes, en l’occurence la féodalité, a provoqué, au fil des siècles, un alourdissement des prélèvements et, en même temps, une plus grande sévérité dans les processus de perception
(Jacques Heers, « Le Moyen-Âge, une imposture », Perrin Malesherbes 2001, p. 178-179).
Cliché: Le seigneur qui pressure le serf en lui confisquant tout…
*
…jusqu’aux grains à semer !
Quel intérêt aurait un propriétaire agricole à tarir sa propre source de revenu ?
Cliché: les « corvées effrayantes »
*
« Les corvées auxquelles les manuels de jadis faisaient une réputation effrayante, se bornent à un ou deux jours de travail par an, six au maximum (à comparer aujourd’hui avec le nombre de jours que l’Etat nous vole par le biais des impôts et taxes diverses = La moitié de l’année !!!)
Avant la lettre, c’est une forme de contribution locale. »
Cliché, le paysan « taillable et corvéable à merci »
*
« Le paysan paie la taille. Certains « à merci ». (Ce qui signifie simplement que cet impôt direct est fixé par le seigneur (l’impôt royal apparaît relativement tard, à la fin du XIVe siècle.)
Dans la pratique, la taille est négociée sous forme d’un abonnement communautaire qui fixe la part de chacun.
« La ponction fiscale, remarque Jaques Heers, est de tout gouvernement: Les taxes médiévales ne sont pas plus nombreuses ni plus élevées que dans l’Antiquité ou les temps modernes »
(Jacques Heers, « Le Moyen-Âge, une imposture », Perrin, 1992)
Cliché: le serf « esclave »
*
(p. 28) Un serf n’est certes pas un homme libre. Il n’est pas non plus un esclave.
Le droit romain reconnaissait le droit de vie et de mort sur l’esclave: rien de tel n’existe au Moyen Age. (J’ai envie de dire grâce à l’Evangile qui petit à petit a imprégné les moeurs)
L’étymologie des deux mots a beau être commune (Servus), l’esclave est une chose tandis que le serf est un homme, mais un homme dont le statut social est grevé d’incapacités. Si le serf est tenu de rester sur le domaine et de le cultiver, s’il peut être vendu avec les terres, il ne peut en être expulsé et reçoit sa part de la moisson. Il est libre de se marier contrairement à l’esclave antique et de transmettre sa terre et ses biens à ses enfants (tenures héréditaires).
Le servage personnel, transmissible à ses descendants, se distingue du servage réel, qui tient à la terre que l’on exploite: Prenant l’exploitation d’une terre servile, des hommes libres peuvent volontairement devenir des serfs.
Le mouvement d’émancipation est encouragé par l’Eglise
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Au fil du temps, les incapacités frappant les serfs se transforment en taxes. Puis le servage recule.
Encouragé par l’Eglise, le mouvement d’émancipation s’accélère dès le IXe siècle. Le moine Suger, ami et conseiller de Louis VI puis de Louis VII, est fils de serf. Le roi donne l’exemple: il affranchit les serfs de son domaine.
À la mort de Saint-Louis, le servage a pratiquement disparu en France.
(Jacques Heers, « Le Moyen-Âge, une imposture », Perrin Malesherbes 2001, p. 29)
Anatomie d’une propagande républicaine
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« Parmi tant de livres, que personne ou presque ne lit plus, en voici un qui, pour l’historien de ces manipulations est très intéressant. Il s’agit d’un volume intitulé « Les Droits du seigneur sous la féodalité » avec pour sous-titre, « Peuple et Noblesse. Grand roman historique », et pour auteur Charles Fellens.
Quant à l’éditeur, on note simplement:
« Bureaux de la Publication » 78, boulevard Saint-Michel, Paris »…
Il n’est pas explicitement mentionné de date mais, dans le cours de l’ouvrage, il apparaît que nous sommes en 1851.
C’est sans doute l’un de ces livres, donné aux brillants collégiens des grandes classes lors des distributions des prix ou que les pères de familles bourgeoises, de bon niveau culturel, se plaisaient à acheter et à garder dans leurs bibliothèques pour leur éducation propre et celle de leurs jeunes gens…
Comme tant d’autres avant lui, l’auteur ne fait aucun mystère de son intention de servir une juste cause. Il s’y emploie sans pudeur ni retenue, usant de tous les artifices, frappant tour à tour aux coeurs et aux esprits. Ce qui donne un ensemble à la fois littéraire et historique, fort complexe, d’un genre plutôt bâtard: une juxtaposition de textes qui se situent à différents niveaux et déconcertent quelque peu.
Le genre en est perdu et tout porte à croire que, de nos jours, de tels procédés ne rencontreraient que de maigres audiences. Mais, vers 1850, les propagandistes pouvaient semble-t-il, s’y adonner sans crainte de fatiguer ou soulever quelques sarcasmes. La démarche et les procédés méritent de s’y attacher un moment car tout n’était certainement pas neuf et tout n’a pas été, depuis lors, abandonné !
Un « grand roman historique » ou comment exalter la vertu républicaine ?
*
S’y retrouvent tous les registres de l’invention et, pour l’écriture, une manière qui, depuis les premiers romans d’Alexandre Dumas offerts au public une vingtaine d’année plus tôt (Henri III et sa cour (1829) – La Tour de Nesle (1832) – La Reine Margot (1845), avait largement fait ses preuves et acquis assez de crédit pour ne pas trop se renouveler.
Le noble pervers, luxurieux, avide, assoiffé de sang et de vengeance; le jeune homme pauvre, mais vaillant, honnête, champion des vertus et des justes revendications; la jeune femme aussi sage et fidèle que belle…
Roman feuilleton donc, grande fresque qui sacrifie à des modèles, roman de cape et d’épée qui se nourrit de facilités et, du point de vue littéraire, ne montre aucune prétention à l’originalité.
Celle-ci s’affirme dans l’intention politique et pédagogique: désir d’instruire et de convaincre, de décrire des abus et des turpitudes, non seulement par le biais d’une histoire et d’une intrigue inventées, mais aussi par de fréquentes références à ce que l’on présente comme des « preuves ».
Le titre dit clairement dans quel registre s’inscrit le chapelet d’aventures, toutes plus invraisemblables les unes que les autres. Il s’agit d’opposer « peuple » et « noblesse » et de dénoncer les terribles « droits » du seigneur.
Tableau naturellement d’un manichéisme achevé car il ne pouvait en être autrement.
Les hommes du peuple, tous honnêtes, tous acharnés au travail, appliqués jusqu’au sacrifice à servir leurs voisins, se trouvent sans cesse en butte aux vexations, aux abus et exactions de maîtres cupides et sans coeur qui les rédusisent à une condition misérable, au désespoir, à la révolte.
La morgue du « noble féodal », son mépris des « classes laborieuses » étaient des stéréotypes utilisés en toutes occasions jusqu’à satiété, qui se répondaient de page en page jusqu’à l’ennui.
De véritables leçons, appels aux bons sentiments, à l’indignation… Des kyrielles d’exemples, toujours d’un grand relief, mais toujours extravagants. Tout est bon pour rappeler que la fiction romanesque s’appuie sur une documentation « indiscutable » !
…Qu’elle n’est en fait qu’une illustration dans le simple but de rendre des vérités attestées plus accessibles…
La troisième partie de ce volume traite des Impôts singuliers et Redevances bizarres.
Suite d’anecdotes pêchées ici et là sans discernement qui permettent à l’auteur, toujours animé d’un esprit vengeur et d’une grande fraîcheur d’âme, de tourner en dérision gestes et symboles liés à l’hommage féodal: signes recongnitifs, tombés certes souvent dans l’oubli, mais qui plaçaient le vassal ou le tenancier dans une situation de dépendance qui visaient, nous dit-on, à l’humilier, à lui enlever toute parcelle de dignité.
C’est un florilège, un inventaire, tout en désordre, bourré d’erreurs et d’approximations
(Jacques Heers, « Le Moyen-Âge, une imposture », Perrin Malesherbes 2001, p. 114-117).
Le dictionnaire des sornettes
*
…Arrive, en tout dernier lieu, ce qui tient lieu de répertoire scientifique et résume les informations sur la société, le droit et les moeurs, jusque-là dispersées en ce gros volume.
C’est le Dictionnaire de la féodalité.
Au total, deux cents pages serrées, avec la même dose de malhonnêteté et le même étalage d’ignorance.
Cela commence par « Abbaye », « Abonnement », « Adultère », et va jusqu’à « Zéro »: Sous les lois féodales, c’était par ce chiffre que l’on pouvait énumérer les DROITS DE L’HOMME lorsqu’il n’était pas noble »!
Maintenant que les sinistres droits féodaux n’ont plus cours, qu’une « législation nouvelle » fait prime, tout est parfait !
« Les fiefs et les arrières-fiefs, les droits honorifiques, les servitudes de la glèbe, les justices seigneuriales et les tortures […], tous les droits seigneuriaux, jusqu’au droit de cuissage et, qui plus est la corvée, les dîmes et les privilèges, tout est réduit à « zéro »…
Ces enfantillages et ces belles professions de foi civique mises à part, le Dictionnaire n’apprend rien de plus à un lecteur qui serait resté attentif jusqu’alors. Mais c’est visiblement un outil commode, preuve que l’auteur se veut pédagogue et ne néglige aucun moyen d’instruire…
(Jacques Heers, « Le Moyen-Âge, une imposture », Perrin Malesherbes 2001, p. 118-119)
Les tâcherons de la pédagogie à la mode Jules Ferry !
*
Une littérature de pure propagande:
Sans doute cet ouvrage de Charles Fellens ne fût-il pas présenté comme une sorte de Bible, de manuel assuré d’un quelconque appui officiel mais je tiens cependant ce morceau, ou plutôt ces morceaux épars de littérature de combat, pour significatifs.
Tout y est, tous les moyens d’écriture et de présentation du roman au dictionnaire scientifique, à la caricature sociale et politique. Et dans chacun de ces genres, le livre s’affirme une parfaite réussite, un exemple remarquable, une sorte d’archétype d’ouvrages largement offerts à plusieurs générations de lecteurs attentifs à bien apprendre.
Ce que nous voyons là vers 1850 se trouvait ailleurs et sera repris, indéfiniment, pendant plus d’un siècle, à tous les degrés d’apparence de l’authentique et du sérieux. Ceci jusqu’aux auteurs d’hier encore (et peut-être d’aujourd’hui?) qui, en toute ingénuité ou impudeur, sans craindre en tout cas la moindre contradiction, ont repris ces images, nous ont abreuvés du même suc vertueux…
De plus, en dehors même de son contenu, ce gros ouvrage témoigne d’un procédé érigé en habitude, à savoir confier la rédaction de livres d’histoire à vocation pédagogique, à des rédacteurs qui ne pouvaient prétendre à aucune qualification scientifique, qui se contentaient de recopier, parfaitement étrangers à la recherche proprement dite…
Une habitude, fort heureusement abandonnée depuis lors, mais qui a perduré, à partir de ces années 1850-1860, pendant plusieurs générations, le temps qu’il fallait pour imposer ces images. »
(Jacques Heers, « Le Moyen-Âge, une imposture », Perrin Malesherbes 2001, p. 120)
Outrances et ridicules…
*
« Cet héritage mérite examen et il ne semble pas inutile de prendre conscience des « VERITES » que l’on voulait alors imposer en priorité. Certaines trop outrancières, n’ont connu que de brèves fortunes mais quelques-uns de nos auteurs d’aujourd’hui restent toujours fidèles à plusieurs clichés inventés et peaufinés alors. »
(Jacques Heers, « Le Moyen-Âge, une imposture », Perrin Malesherbes 2001, p. 122).
Les temps de barbarie…
*
« Féodalité et noblesse, nous dit-on, appellent barbarie, cruauté, corruption des moeurs.
« Les livres pour enfants, manuels scolaires ou autres outils « pédagogiques », ont repris l’image de la « guerre féodale », dès les premiers temps de l’Ecole républicaine de Jules Ferry: « Les barons féodaux étaient (forcément) brutaux et farouches.
« Quelques-uns n’étaient pas moins atroces que les Huns venus jadis en Gaule. »
« Le seigneur vit uniquement de brigandage, pille les chaumières, détrousse les voyageurs; la guerre, toujours la guerre, voilà ce que rêve cet homme épais et brutal… ses plaisirs sont barbares »
ou encore:
« Le seigneur est un guerrier brutal, cruel, ignorant. La guerre est son unique occupation… Il foule les moissons dorées…, Il sème partout la ruine. Le serf a moins de valeur qu’une bête. »
Et enfin:
« Le serf vit comme un lièvre poltron; toujours il a l’oreille tendue; au premier appel, il s’enfuit avec sa femme… il vit dans l’épouvante. »
Et aussi:
« Que de charges pèsent sur ce misérable serf ! Réduits à se nourrir d’herbes, d’animaux immondes, les misérables se révoltent. »
DE TELLES STUPIDITES ETAIENT ENSEIGNEES SANS SOURCILLER PAR LES MAITRES D’ECOLE !
… qui, sans aucun sens du ridicule, devaient illustrer et broder par quantité d’exemples édifiants; nos enfants étaient jugés sur ce savoir. »
« Les manières certes ont changé et, généralement (mais pas toujours), les auteurs évitent ces outrances qui, peut-être feraient douter de leur bonne foi mais, mis à part quelques livres édités ces toutes dernières années, et encore bien rares, LE FOND DU DISCOURS RESTE LE MÊME. »
« Le seigneur féodal, brutal et inculte, occupé surtout à guerroyer s’impose encore à nous comme une image force de notre passé et, loin d’y voir un de ces vieux poncifs dépassé, nous y adhérons souvent, hélas. »
« De nombreux livres nous le montrent ainsi et certains historiens, pour expliquer l’évolution des sociétés et des économies, bâtissent leurs hypothèses sur ce postulat. »
« Il n’est pas rare de trouver, dans les livres récents, une analyse très commune des origines de la guerre de Cent Ans, à savoir que la noblesse de France, les seigneurs féodaux donc, voyant leurs revenus fonciers diminuer d’une façon dramatique (la crise, toujours la crise !), n’avaient trouvé d’autre façon de se maintenir au même niveau de fortune que de pousser leur roi à la guerre contre les Anglais. »
« L’Encyclopaedia Universalis (qui passe pour la plus scientifique des Encyclopédies) qui se pique de donner le dernier état sur ces questions en est encore là et renchérit sur les positions ordinairement exposées dans quelques manuels déjà anciens. »
« L’article, consacré ici à la guerre de Cent Ans, affirme, sous le titre « La féodalité en mutation », que « les causes profondes de la guerre de Cent Ans » doivent être recherchées dans les réactions du monde féodal face aux mutations que les historiens ont baptisées crise ou crises du XIVe siècles. Les nobles, gravement lésés par les transformations de l’économie et plus particulièrement par le développement de l’économie monétaire, voyaient dans la guerre une solution à leurs difficultés. »
« Pendant plus de cent ans, ils furent ainsi poussés à renouveler les combats par le désir de réaliser quelques profits (pillages et rançons), par l’espoir de prendre ou de retrouver une bonne part du pouvoir politique, par l’espoir aussi de voir la guerre freiner les évolutions naturelles qui leur étaient si contraires, et même par la quête d’un divertissement apporté aux inquiétudes par les aventures militaires. »
(Encyclopaedia Universalis, éd. 1984, tome 8, p. 1150, « Article: « Guerre de Cent Ans » de J. Le Goff
Ignorance ou parti pris ? Car tout est à revoir, tout est faux !!
« D’une part, dire que la noblesse foncière avait vu ses revenus s’amenuiser d’une façon sensible à l’aube du XIVe siècle, est énoncer un de ces postulats passe-partout qui connaissaient certes un beau succès il y a un demi-siècle mais qui sont maintenant gravement mis en cause et même souvent contredits. »
« Très vraisemblablement, cette idée d’une seigneurie « en crise » n’a connu une telle fortune que parce qu’elle s’inscrivait tout net dans une vue générale des fameuses, et pour la plupart mythiques…crises de la fin du Moyen Age. En tout état de cause, à la veille de la guerre de Cent Ans, nous ne sommes encore qu’au tout début des années 1300. »
« Cette crise serait donc le fait des temps de Saint Louis et de ses successeurs immédiats, temps souvent reconnus comme de grande prospérité ou, du moins d’équilibre. De toutes façons, il apparaît clairement, à lire nombre d’études bien documentées, que les grands propriétaires et même les nobles moins bien lotis étaient capables de faire face à d’éventuelles difficultés de trésorerie, aux dévaluations de la monnaie, aux évolutions des marchés et des goûts. »
« De plus et surtout, l’image du seigneur poussant à la guerre dans le but de s’enrichir est ABSTRACTION et INVENTION: Elle traduit là encore un grave manque d’information. Le Roi de France Philippe VI, appelant ses vassaux nobles aux armes pour combattre les Anglais et défendre son royaume, se heurtait à quantité de mauvais vouloirs, à des refus délibérés. Les semonces des hommes astreints au service d’ost (service militaire), loin de provoquer de grands mouvements d’enthousiasme, restèrent souvent sans grands effets. »
« Les nobles se dérobaient ou arrivaient très tard, mal armés, avec de trop petites suites; certains, tout de même mis en demeure, combattaient à peine, préféraient négocier et livrer leur château ou garnison. »
(P.C. Timbal, « La guerre de Cent Ans vue à travers les registres du Parlement (1337-1369) » Paris 1961
M. Jusselin « Comment la France se préparait à la guerre de Cent Ans » in Bibliothèque de l’Ecole des Chartes, 1912
R. Cazelles, « La société politique et la crise de la Royauté sous Philippe VI de Valois » Paris 1958
« Lettres closes, Lettres de par le Roy Philippe VI de Valois » in Annuaire Bulletin de la Société de l’Histoire de France, 1958].
« Au total, la guerre a plutôt ruiné la Noblesse de France, lui infligeant des pertes considérables en hommes et en argent, l’obligeant à aliéner ses biens, à s’endetter outre-mesure. Avec, pour conséquences, tout naturellement, la perte d’une part d’indépendance, un renforcement du pouvoir royal ou princier car seul ce service de l’Etat pouvait offrir d’intéressantes compensations aux pertes subies sur les champs de bataille. »
(Jacques Heers|Jacques Heers, « Le Moyen-Âge, une imposture », Perrin Malesherbes 2001, p. 124-128).
La plus belle des balivernes: Le droit de cuissage
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« Si le répertoire s’est un peu décanté, nous demeure tout de même comme vérité attestée le fameux « droit de première nuit » qui permettait au seigneur de posséder, le premier, l’épouse de chacun des vassaux… Nombre d’ouvrages en parlent encore très sérieusement. »
« Quantité de romans historiques et mêmes plusieurs scénarios de films ont agrémenté et renforcé leurs intrigues de tels épisodes scandaleux qui provoquaient à juste titre, la révolte desdits vassaux aidés de leurs amis. Nos historiens du XIXe siècle étaient, sur ce point, intarissables et rappelaient régulièrement les abus « d’un droit qui prouve l’excès de la tyrannie des seigneurs et de l’esclavage de leurs sujets. »
« En France, écrivaient-ils, ce droit de cuissage s’est maintenu plus longtemps qu’ailleurs « par le caractère des Français qui attachent beaucoup de prix à de telles redevances. »
Sur ce « droit », toutes les anecdotes sont rapportées très sérieusement par J.A. Dulaure, « La Noblesse » (p. 605 et suivantes.)
« Tout ceci, insistons, administré sans ordre, sans précisions de dates bien souvent, sans la moindre preuve solide, mais avec tant de sérieux et rencontrant des audiences si bien préparées que les plus belles balivernes firent leur chemin pendant des générations. »
« Dans le même temps, dans les dernières décennies, plusieurs recherches rigoureuses furent menées sur le sujet, conduisant à des conclusions toutes différentes et ne retenant que l’aspect financier d’une taxe sur le mariage des serfs. »
« Il y a déjà plus d’un siècle C. Schmidt en avait fait mention dans « Der Streit über das Jus primae noctis » in Zeitschrift für Ethnologie, tome XVI, 1884″
« Mais ces travaux sont restés, et restent encore confidentiels, jamais repris par les livres de large diffusion. Personne n’en tint compte et l’on continua, de façon plus ou moins directe, à accréditer toutes manières de légendes
(Jacques Heers, « Le Moyen-Âge, une imposture », Perrin Malesherbes 2001, p. 135-136).
L’Ancien Régime
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« L’industrie et le commerce étaient interdits à la Noblesse. » (Funck-Brentano).
Comme l’explique très bien Frantz Funck-Brentano:
On parle des privilèges de la Noblesse, mais ils se payaient d’une terrible rançon par l’interdiction de pratiquer le commerce et l’industrie ! »
(Frantz Funck-Brentano, »L’Ancien Régime », Les Grandes études Historiques, Librairie Arthème Fayard, Paris 1926, p. 137)
« La Noblesse demeurait, en raison de sa constitution, étrangère au « grand mouvement commercial et industriel de la Renaissance ».
La Noblesse était « héréditairement constituée pour le service militaire et pour le patronat agricole. C’était sa fonction:
TOUTE AUTRE LUI ETAIT INTERDITE !
Les plus lucratives, celles qui donnent la fortune, la puissance de l’argent. En regard, la bourgeoisie avait héréditairement dans ses attributions la pratique du commerce et de l’industrie.
« Conception de la plus grande beauté, féconde et simple.
Sur elle la France s’est bâtie. Elle s’était formée spontanément »
(ibid, p. 137)
« La Noblesse anglaise, elle, faisait du commerce: la différence tenait aux différences d’origine. La Noblesse anglaise ne s’était pas formée familièrement, féodalement: Noblesse conquérante, d’importation étrangère.
« La Noblesse française était faite pour combattre, tandis qu’à l’ombre de sa valeur, le paysan travaillait la terre et le marchand commerçait. C’était son labeur à elle: Un patronat armé. Comme ce travail n’était pas rétribué, il était juste, non seulement que la noblesse fût exempte de certains impôts, comme la taille, mais qu’elle perçut des redevances, les sources de la fortune étant absentes pour elle. »
« Nous touchons à l’un des points de l’Histoire de notre Ancien Régime sur lesquels on se fait souvent des idées incomplètes. »
« Si notre ancienne aristocratie s’abstenait systématiquement du commerce et de l’industrie, on (les Révolutionnaires de 1789 et leurs héritiers) l’attribue à des sentiments de vanité, à son orgueil. »
Nous sommes loin du compte indique Funck-Brentano:
« Le commerce et l’industrie, poursuit-il, étaient INTERDITS à la Noblesse, à la requête du Tiers-Etat lui-même qui faisait valoir ses droits, ses PRIVILEGES à lui, et les faisait valoir énergiquement (Etats-Généraux du XVIe siècle.)
La bourgeoisie ne veut aucune concurrence: Elle défend son monopole, en échange de quoi elle abandonne à la Noblesse l’exemption de la taille, les grades militaires et les charges de Cour »
(ibid, p. 138).
« Sa condition (celle de la Noblesse) agrandissait pour elle les moyens de dissiper sa fortune sans lui offrir les moyens d’en acquérir ! »
« On la vit tomber de toutes parts dans une pauvreté extrême »
Frantz Funck-Brentano, »L’Ancien Régime », Les Grandes études Historiques, Librairie Arthème Fayard, Paris 1926
Décadence et pauvreté de la Noblesse rurale
*
Funck-Brentano parle de « décadence de la Noblesse rurale »
(Frantz Funck-Brentano, »L’Ancien Régime, Les Grandes études Historiques, Librairie Arthème Fayard, Paris 1926, page 141
« Morceau par morceau, les terres qui entouraient le manoir familial ont été vendues à des paysans, à d’anciens fermiers, sous réserve des droits seigneuriaux qui y étaient attachés à titre inaliénable. On voit ainsi des gentilshommes qui n’ont plus pour subsister, eux et leur famille que le produit des redevances, le commerce et l’industrie leur étant interdits ! »
(ibid, page 156)
« Les écrivains sont unanimes à constater la pauvreté de la noblesse rurale. »
« Dans les environs d’Auch, observe Arthur Young, voyageur de l’époque, les nobles labourent leurs propres champs. Et ceux-là, ajoute notre gentleman, sont peut-être des membres de la société plus estimables que les insensés et les coquins qui se moquent d’eux. »
« Il en est même qui travaillent dans des fermes voisines, en qualité de journaliers, chargés des plus rudes emplois ! »
« Le délabrement du manoir fait contraste avec le bon aspect des bonnes maisons du village: Pierre Retil, laboureur à Nitry en Bourgogne, dit à son fils Edmond:
« Tu as vu ces gentilshommes chasseurs de la Puisaye, en guêtres, en souliers ferrés, portant sous le bras une vieille épée rouillée, mourant de faim… Voudrais-tu être à leur place ? »
(ibid, page 157)
« En Berry, les trois-quart des gentilshommes meurent de faim » (1754). Turgot fera la même constatation pour le Limousin.
« En 1750, l’intendant de Besançon fait à son successeur une peinture de la Noblesse rurale en Franche-Comté: « La Noblesse de ce pays est assez bonne, mais fort pauvre, elle est autant fière qu’elle est pauvre. Elle est très humiliée en proportion de ce qu’elle était autrefois »
(ibid, page 158)
« Le peuple était opprimé » : un mensonge !
Richesse de l’Ancienne France
*
« Albert Mathiez, pourtant champion du robespierrisme, convient que « ce n’est pas dans un pays épuisé, mais au contraire dans un pays florissant qu’éclate la Révolution de 1789. »
René Sédillot « Le coût de la Révolution française, Vérités et Légendes »
Editions Perrin Mesnil-sur-l’Estrée 1987, p. 201
Voici donc le type même d’hérésie-blasphème, historiquement incorrect, que l’on n’enseigne pas.
Il ne faut surtout pas enseigner que le pays était florissant à la veille de la Révolution !
Non, il faut noircir et mentir: « Le peuple était opprimé, bla, bla, bla »
« Le paysan le plus pauvre était assuré de sa subsistance »
(Abbé Barruel)
« La distribution (du blé) se faisait régulièrement toutes les semaines sous l’inspection d’un préposé. Si la provision de quelque loge venait à s’épuiser, ON PRENAIT DANS LE TAS DU SEIGNEUR TOUTE LA QUANTITE NECESSAIRE pour la famille qui en manquait, à charge par elle d’en rendre la même quantité à la moisson nouvelle.
AINSI LE PAYSAN LE PLUS PAUVRE ETAIT ASSURE DE SA SUBSISTANCE.
Qu’on décide si ce régime ne vaut pas celui des mendiants « libres » mais mourant de faim de la république. »
(Augustin Barruel, « Mémoires pour servir à l’histoire du jacobinisme » 1798, tome II, page 247)
Sur la richesse de l’Ancienne France et la richesse des paysans, notons ce témoignage capital d’un ennemi acharné de l’Eglise, Voltaire:
« Je ne sais comment il est arrivé que, dans nos villages, où la terre est ingrate, les impôts lourds, la défense d’exporter le blé qu’on a semé, intolérable, il n’y ait guère pourtant un colon qui n’ait un bon habit de drap et qui ne soit bien chaussé et bien nourri… »
(Voltaire cité in Frantz Funck-Brentano, « L’Ancien Régime », Les Grandes études Historiques, Librairie Arthème Fayard, Paris 1926, p. 410-411)
« L’industrie augmente tous les jours, écrit Voltaire. A voir le luxe des particuliers, ce nombre prodigieux de maisons agréables bâties dans Paris et dans les provinces, cette quantité d’équipages, ces commodités, ces recherches qu’on appelle ‘luxe’, on croirait que l’opulence est vingt fois plus grande qu’autrefois. »
« Le moyen ordre s’est enrichi par l’industrie.. Les gains du commerce ont augmenté.
Il s’est trouvé moins d’opulence qu’autrefois chez les grands et plus dans le moyen ordre et cela a mis moins de distance entre les hommes.
Aujourd’hui, l’industrie a ouvert mille chemins qu’on ne connaissait pas il y a cent ans. »
Voltaire cité in Frantz Funck-Brentano, « L’Ancien Régime », Les Grandes études Historiques, Librairie Arthème Fayard, Paris 1926, page 485)
Ce témoignage du penseur le plus anti-catholique de l’époque est capital pour contrer le manichéisme farfelu des marxistes agitant aujourd’hui encore le spectre du peuple, pauvre, dominé et opprimé par la Noblesse sous l’Ancien Régime.
Témoignages d’étrangers sur la richesse et la prospérité de la France d’Ancien Régime
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« Voici le témoignage d’étrangers qui jugent nos conditions sociales sans arrière-pensée, celui de Lady Montague qui note en 1739 l’air d’abondance et de contentement répandu dans les campagnes en France. »
(Frantz Funck-Brentano, « L’Ancien Régime, Les Grandes études Historiques », Librairie Arthème Fayard, Paris 1926, page 411)
Horace Walpole traversant l’Artois en 1765:
« Je trouve ce pays-ci prodigieusement enrichi. Les moindres villages ont un air de prospérité. »
« Un intendant du Roussillon note les nombreux repas que font les campagnards, « quatre, cinq, six repas par jour et, à chaque repas, de la viande et du vin. »
Frantz Funck-Brentano, « L’Ancien Régime », Les Grandes études Historiques, Librairie Arthème Fayard, Paris 1926, page 411)
« En 1788, c’est-à-dire en une année qu’Ernest Labrousse considère comme mauvaise sur le plan commercial, la foire de Beaucaire réalisait un chiffre d’affaires de 41 millions. Sa notoriété remontait au Moyen Age, et sur l’axe du Rhône elle restait, chaque mois de juillet, le grand rendez-vous des marchands de textiles.
Lyon était le premier marché européen de la soie. Orléans et Rouen fixaient les cours de la laine. Mais les foires elles-mêmes n’avaient plus le monopole des grandes transactions…
Les richesses circulaient dans une véritable ivresse de communications facilitées par les progrès des techniques. »
René Sédillot, « Le coût de la Révolution française, Vérités et Légendes », Perrin Mesnil-sur-l’Estrée 1987, pages 201-202)
« C’est d’abord le réseau routier qui devenait exemplaire. Jamais depuis Rome on n’avait vu un réseau d’une telle ampleur et d’une telle qualité. Il était l’œuvre de Daniel Trudaine, demeuré vingt-six ans directeur des Ponts et Chaussées.
« Quarante mille kilomètres d’anciens chemins de terre ou de routes fatiguées étaient redressés, élargis, empierrés, bordés d’arbres et de fossés, avec, de lieue en lieue, de hautes bornes de granit, fleurdelisées, qui marquaient les distances par rapport au point zéro – le parvis de Notre-Dame. »
« Le corps des Ponts et Chaussées recevait son statut: A la base, une école dont les élèves étaient recrutés au concours; trois années d’études savantes; un ingénieur en chef par généralité, assisté de sous-ingénieurs; quatre inspecteurs généraux, un intendant-directeur au sommet de la hiérarchie. Devant les routes du royaume, les étrangers se récriaient d’admiration.
« Elles sont « superbes jusqu’à la folie », s’exclamait le voyageur Arthur Young. De la voie qui reliait Limoges à Brive, sur laquelle avait veillé Turgot, le même Young enchérissait: « Le plus beau chemin du monde, parfaitement construit, parfaitement tenu; on n’y voit pas plus de poussière, de sable, de pierre, d’inégalité que dans l’allée d’un jardin. »
« Un inspecteur des Travaux publics, Pierre Trésaguet, avait (p. 203) inventé un revêtement bombé qui superposait une couche épaisse de pierraille à une assise de moellons: le drainage était plus efficace et l’entretien plus facile: Toute l’Europe se mettait à l’école des routes françaises. »
« Sur ces voies correctement carrossables, de nouvelles voitures publiques étaient mises en service: les « Turgotines » de la régie, à quatre, six ou huit places, légères, avec des relais fréquents, pouvaient tenir le galop et couvrir cent kilomètres par jour. De Paris, elles permettaient de gagner en une seule journée Rouen, Amiens, Reims ou Orléans, contre deux ou trois précédemment. Le service des messageries mettait Cherbourg à trois jours de Paris, Lyon ou Bordeaux à six jours. »
« Autant que les voyages, les échanges étaient stimulés par les progrès du système routier. »
« Ce qui subsistait de péages et de douanes n’apparaissait que comme normale contrepartie des libertés locales. »
« Les voies d’eau étaient aménagées, de façon à faciliter les transports lourds auxquels s’affairait toute une population batelière. »
« On ouvrait ou entreprenait les canaux de l’Orne, de l’Escaut, de Picardie, de Bourgogne, du Centre, du Rhône au Rhin. Le 24 juillet 1784, au nom du Roi, le prince de Condé posait la première pierre de l’écluse initiale de chacun des trois derniers: Promesse de transports simplifiés, moins lents et moins coûteux »
René Sédillot, « Le coût de la Révolution française, Vérités et Légendes », Perrin Mesnil-sur-l’Estrée 1987, page 203)
L’explosion des échanges extérieurs
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« A l’extérieur, les chiffres parlent: d’environ 50 millions de livres à l’avènement de Louis XV, les exportations passaient à la veille de la révolution à plus de 450 millions. En soixante-dix ans, elles avaient été multipliées par neuf.
« Dans le même temps, les importations passaient de 40 à 240 millions: Multiplication par six.
« Le commerce extérieur de la France, égal à la moitié du commerce anglais au temps de la Régence, le rejoignait en 1789. Il laissait à la France, en permanence un excédent substantiel (page 204) (sauf en quatre années de la décennie 1770-1780).
« Jamais on n’avait assisté à pareille exubérance de l’activité marchande et à pareil enrichissement. »
« Quand Necker brossait le tableau de la balance commerciale avec les pays étrangers, en excluant de ses calculs tout ce qui venait des colonies (Saint-Domingue, île du Vent) ou ce qui leur était destiné, il évaluait les entrées à 230 millions – dont 70 de matières premières, 20 de diamants et métaux précieux, 40 d’objets manufacturés, 40 de comestibles, 10 de tabacs, le reste concernant des bois, des plants, des mâts, des marchandises d’Extrême-Orient.
En regard, il estimait les sorties à 300 millions, dont 150 en objets manufacturés, 70 à 75 en denrées des îles (réexportées), 35 à 40 en vins, eaux-de-vie et liqueurs, 22 en blés, beurre, sel, safran, cuirs, bois, 18 en réexportations de produits orientaux (thé, étoffes, riz de Chine, café, poivre…)
Excédent sur l’étranger: 70 millions »
« Comme il convenait à un pays développé, la France vendait plus de produits ouvrés qu’elle n’en achetait, importait plus de matières premières qu’elle n’en exportait, et faisait de profitables trafics en servant d’intermédiaires entre ses colonies d’Amérique et l’étranger, comme entre l’Extrême-Orient et l’Europe.
Aujourd’hui, la France délocalise ses emplois et importe en masse des produits étrangers. Je vous laisse conclure tout seul sur l’état de développement de notre pays.)
« La France était le premier fournisseur de l’Espagne, et par Cadix, de toute l’Amérique espagnole. »
Entrons plus avant dans ces échanges:
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« Quels produits de son industrie vendait la France ?
« Necker répond longuement: Des draps, toiles, soieries, parures, des montres, des ouvrages d’acier ou d’autre de métal, des savons, des glaces, des meubles…
« Quelles marchandises achetait-elle? Des cotons, des laines, des chanvres, toutes les drogues propres à la teinture; des toiles venant de Flandre, de Hollande ou de Suisse; des mousselines, des velours de Gênes, de la quincaillerie d’Allemagne et d’Angleterre.
« Avec la France d’Outre-Mer, le commerce prenait des proportions étonnantes.
« Avec les Antilles, entre 1715 et 1780, les échanges avaient été multipliés par 5 à l’exportation, par 10 à l’importation. Aux îles de France et Bourbon, l’intendant Poivre avait introduit la culture des girofliers et des muscadiers, ravissant aux Hollandais le monopole du commerce des épices.
« Paris, sans remords et sans regrets, faisait son deuil du Canada et de ses pauvres peaux de castors. » (p. 205)
« Tout ce trafic était assuré par une marine puissante et moderne, moins nombreuse assurément que la marine anglaise, mais avec des unités d’un tonnage trois fois supérieur. »
« Beaucoup de bateaux jaugeaient quelque 600 tonneaux et couvraient vingt lieues par jour. En 1783, un armateur de Saint-Malo, Benjamin Dubois, ouvrait la première ligne de paquebots, à départs fixes, entre Bordeaux et New York: le gouvernement de Louis XVI soutenait l’entreprise, en lui accordant subvention et primes de vitesse. »
« Les ports affichaient une prospérité insolente: Dunkerque, patrie de Jean Bart, importait les bois du Nord, les eaux-de-vie, les poissons séchés. »
» A la veille de la révolution, tous les ports de France battaient leurs records de trafic et se grisaient de leur propre croissance. On ne devait plus, avant longtemps, leur connaître une telle allégresse » (p. 207 )
René Sédillot, « Le coût de la Révolution française, Vérités et Légendes », Perrin Mesnil-sur-l’Estrée 1987, pages 205-207)
Un développement prodigieux du commerce extérieur
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« Le commerce extérieur… a pris un développement prodigieux que – fait rare dans l’histoire économique de l’Ancien Régime – nous pouvons suivre d’année en année, grâce aux statistiques dressées par un commis du Contrôle général nommé Arnould et que corroborent les renseignements réunis par la Compagnie des Indes. Depuis la mort de Louis XIV, il a plus que quadruplé. En 1788, il atteint 1061 millions et cet énorme chiffre ne se retrouvera plus avant 1848… »
« Marseille accapare le commerce du Levant. Sur ses quais et dans ses magasins, s’entassent les tapis, les indiennes, les liqueurs, le riz, les blés, les vins de Chypre, les huiles, les peaux, les mousselines, les toiles peintes.
Bordeaux et Nantes ont le monopole des denrées coloniales. A elle seule, Saint-Domingue leur fournit la moitié du sucre consommé dans le monde. Un moment ébranlés par le traité de 1763, leurs grands armateurs se sont vite ressaisis. Les victoires de la guerre de l’Indépendance américaine leur ont donné une audace nouvelle.
Là où on lançait sept navires en 1738, on en construit trente-trois en 1784. Les vins de Bordeaux se vendent jusqu’en Russie. Les Bourgognes règnent sur la Belgique et sur l’Allemagne »
(Pierre Gaxotte, « La Révolution française », Nouvelle édition établie par Jean Tulard, Éditions Complexe, Bruxelles 1988, page 21)
Un progrès étonnant du commerce
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» Mesance, auteur de précieuses « Recherches sur la Population » (1766), écrit: « Toutes les personnes instruites conviennent que le commerce a fait des progrès étonnants depuis quarante ans; que les manufactures du royaume sont présentement beaucoup plus occupées qu’elles ne l’avaient jamais été; que malgré les progrès des anciennes fabriques et manufactures, il s’en est introduit dans ce royaume un grand nombre de nouvelles, inconnues à nos pères »
« … Il y a une Bourse, des banques, une caisse d’Escompte au capital de cent millions qui émet des billets analogues à ceux de notre Banque de France, un marché à terme, une cote, de l’agiotage. On spécule sur les changes, sur les valeurs d’Etat, sur les parts de la Ferme générale qui perçoit les impôts directs, sur les actions des grandes compagnies: Compagnie des Indes, Compagnie des Eaux et Compagnie des Assurances. »
« Au jugement de Necker, la France détient la moitié du numéraire existant en Europe. Le taux de croissance des industries est difficile à établir. Autant qu’on puisse faire parler les chiffres, les industries nouvelles sont les plus dynamiques. pour la metallurgie on admet un taux de croissance de 72% entre 1738 et 1789; pour la soierie lyonnaise, 185% de 1720 à 1786; pour les charbonnages d’Anzin, 681% de 1744 à 1789; pour les « indiennes » de Mulhouse, 738% de 1758 à 1786. Chiffres impressionnants. »
(Pierre Gaxotte, « La Révolution française », Nouvelle édition établie par Jean Tulard, Éditions Complexe, Bruxelles 1988, pages 20-21)
« En 1715, on avait que de mauvais chemins coupés de fondrières et ravagés par les eaux, avec quelques chaussées pavées qui se disloquaient. En 1789, il y a dix mille lieues de bonnes routes, solidement empierrées, régulièrement entretenues, que n’arrêtent ni les rivières ni les montagnes. »
« Les messageries réorganisées par Turgot, sont plus rapides et moins coûteuses. Dans aucun pays, on ne voyage aussi vite, aussi bien et à si peu de frais. Arthur Young qui visita la France sous Louis XVI, au début de la Révolution, ne tarit pas d’admiration (quoique très porté à dénigrer tout ce qui n’est pas anglais) sur la beauté et la commodité des routes françaises »
(Pierre Gaxotte, « La Révolution française », Nouvelle édition établie par Jean Tulard, Éditions Complexe, Bruxelles 1988, page 21)
Mais ici un grave problème se présente. Cette société brillante repose-t-elle sur un fond de misère ?
« Au-dessous de la troupe dorée des bourgeois enrichis, y a-t-il une masse énorme de paysans affamés et sans ressources ? Beaucoup l’ont prétendu (évidemment).
Et aussitôt de citer le célèbre passage de La Bruyère:
« L’on voit certains animaux farouches, des mâles et des femelles… noirs, livides et tout brûlés par le soleil… », sans réfléchir que cette page, vieille d’un siècle, n’était qu’un morceau de littérature fignolé par un moraliste qui, comme tous ses contemporains, prenait la charmante vallée de Chevreuse pour un sauvage désert…
« On a glané aussi à travers les écrits de certains économistes des peintures effrayantes de la vie des champs… on a cité des témoignages de voyageurs, mais en face de chaque note affligeante on a pu décrire une autre qui la contredit. Comment d’ailleurs, tirer de ces indications fugitives une conclusion générale ?
En une heure de voiture, on passe d’un bon pays dans un mauvais, d’une terre grasse à un sol ingrat… Il suffit d’un jour de grêle pour mettre un village dans la désolation. Une récolte qui s’annonce bien en juin est misérable en juillet. un printemps ensoleillé rachète un hiver détestable. D’une année à l’autre, tout change.
D’une province à l’autre, tout varie. Il serait imprudent de donner à de menus faits, strictement localisés, une portée qui dépasserait la limite de leur canton. »
« Et puis, il faut avoir à présent à la mémoire un fait capital et indiscutable, à savoir que le système d’impôts qui pesait sur le paysan lui faisait des apparences de la pauvreté une nécessité presque absolue. l’impôt rural, la taille, était un impôt sur le revenu grossièrement réparti d’après les signes extérieurs de la richesse, par des collecteurs choisis à tour de rôle entre les paysans eux-mêmes… Malheur au taillable exact et sincère !
C’est sur lui que retombera tout le fardeau. Ayant à percevoir une somme fixée globalement à l’avance, désireux d’être débarrassés au plus vite de leur horrible mission, enchantés de trouver un naïf de bonne foi, une « poire » comme on dirait aujourd’hui, les taxateurs malgré eux se hâtent de doubler ou de tripler sa cote, tandis qu’ils ménagent ceux dont ils craignent les difficultés: les malins qui ont dissimulé leurs revenus, les mauvais têtes qui ont la réputation de ne pas se laisser faire, les plaideurs endurcis qui ne craignent pas les complications ni les « histoires »!
« C’est un dogme profondément ancré dans les esprits populaires que le seul moyen de ne pas payer pour les autres, la seule façon de ne pas être écrasé par les estimations injustes, c’est de restreindre ses dépenses, de paraître sans ressources, d’affecter les dehors du plus profond dénuement ! »
« Le plus riche d’un village, écrivait en 1709 le grand bailli de l’Ile de France, n’oserait à présent tuer un cochon que nuitamment, car si cela se faisait en public, on lui augmenterait ses impositions »…
« Le contribuable de l’Ancien Régime est rétif, dissimulé et hargneux, à un point que nous ne soupçonnons plus. Sa mauvaise volonté est sans bornes. Il ne s’exécute qu’à la dernière extrémité. »
« Le plus souvent, il est en retard de deux ou trois ans. Tel qui a de l’argent caché, dit Boisguillebert, ne se laisse pas arracher un sou avant la quarantième sommation. plutôt que d’avouer son aisance, en payant dans les délais, on préfère être traîné en justice et menacé de saisie. On harcèle l’intendant de réclamations et de plaintes. On fait intercéder le seigneur, le juge et le curé ! On gémit, on crie, on proteste sans arrêt et c’est à qui gémira, criera et protestera le plus fort et le plus longtemps, afin de ne paraître ni plus riche ni plus facile que le voisin. »
« Telle est exactement la situation des paysans de l’Ancien Régime: une grande affectation de misère et, derrière ce manteau de guenilles, une vie paisible, souvent aisée, quelquefois large… »
(Pierre Gaxotte, « La Révolution française », Nouvelle édition établie par Jean Tulard, Éditions Complexe, Bruxelles 1988, pages 22-23)
« En 1789, les Français n’étaient pas malheureux. Les documents les plus sûrs nous prouvent, au contraire, que la richesse s’était considérablement accrue depuis un demi-siècle et que l’état matériel de toutes les classes de la société, sauf celui de la noblesse rurale, s’était sensiblement amélioré. Le régime corporatif n’avait pas empêché la naissance et la mise en place de la grande industrie… »
(Pierre Gaxotte, ibid., page 19)
Et si « En 1789 la partie la moins favorisée de la population paysanne était en révolte virtuelle contre la transformation capitaliste de l’agriculture, il n’en reste pas moins que, depuis un siècle, les campagnes s’étaient enrichies. »
(Pierre Gaxotte, ibid., page 30)
« Aussi, on peut dire que la vie est devenue plus sûre pour tout le monde. Plus de famines. Les disettes qui au siècle précédent, avaient provoqué une raréfaction des mariages et une restriction des naissances ne sont plus que souvenirs ou imprécises menaces. »
Les meilleurs rendements, le maïs, la pomme de terre, les communications plus faciles en sont venus à bout. A défaut de signe, l’accroissement régulier de la population suffirait à le prouver. »
(Pierre Gaxotte, ibid., page 31)
La féodalité n’existait plus …
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« Les Français sont, est-il besoin de le dire, des hommes libres. Le servage qui s’est conservé dans presque tous les pays d’Europe n’existe plus en France. Il ne subsiste, sous une forme atténuée, que dans quelques coins du Jura et du Bourbonnais. »
« Par un édit de 1779, préparé par Necker, Louis XVI supprima les dernières traces de servage sur les terres de la couronne. »
« Les paysans sont aussi le plus souvent des propriétaires. Ils profitent de la hausse des produits agricoles pour améliorer leur condition. Il est certain… qu’ils possèdent au moins la moitié du sol… »
(Pierre Gaxotte, ibid., pages 23-24)
« La féodalité n’existe plus comme régime politique, ni même comme cadre social, mais elle subsiste au point de vue civil et économique. A côté du gouvernement royal, on voit, jonchant le sol, les débris du gouvernement qui l’a précédé et qui, dépouillé de ses attributions et ayant cessé de rendre des services, continue d’en percevoir le prix. »
« Que cette charge dont le motif n’apparaissait plus ait été impatiemment supportée, cela est sûr, et au demeurant, naturel et légitime… Mais qu’elle ait été d’un poids insupportable, cela est plus que douteux. »
« Tout d’abord, il ne faut pas se laisser abuser par l’extraordinaire quantité de mots qui servent à désigner les taxes seigneuriales. Nulle langue ne fut plus riche en synonymes…
« Les taxes en argent avaient été fixées une fois pour toutes au Moyen-Âge. C’est dire que, par suite de l’avilissement des monnaies, elles étaient tombées à rien, et ne subsistaient plus que comme de simples formalités, où la vanité du seigneur pouvait trouver son compte, mais où sa bourse ne trouvait certainement pas le sien… »
« Les taxes en nature étaient plus lourdes, mais les titres en étaient contestés et, par négligence, par peur des difficultés ou par crainte de provoquer une émigration, beaucoup de seigneurs évitaient d’exercer leurs droits. »
« En nombre d’endroits, les paysans demeuraient couramment vingt ou trente ans sans rien payer. En d’autres, ils avaient obtenu des arrangements qui réduisaient considérablement les anciens taux. En d’autres encore, en achetant la terre, ils avaient acquis du même coup les droits qui pesaient sur elle. »
« Des centaines de péages avaient été supprimés par les intendants. Si le cens n’avait plus de raison d’être, les banalités se justifiaient encore par une contrepartie: l’entretien d’un pressoir, d’un four ou d’un moulin.
« La dîme ecclésiastique impliquait de même que le Clergé ferait les frais du culte, instruirait les enfants, assisterait les pauvres et soignerait les malades. »
(Pierre Gaxotte, ibid., pages 26-27)
« Le Clergé a alors en charge deux des fonctions auxquelles l’Etat moderne semble le plus tenir, pour lesquelles il dépense beaucoup et dont la monarchie ne s’occupe que par accident: l’instruction publique et l’assistance. Il y consacre une grosse part de ses revenus.
(Pierre Gaxotte, ibid., page 9)
« A la vérité, l’odieux de survivances féodales n’était point dans leur poids, mais dans le simple fait qu’elles étaient des survivances avec tout ce que cela entraîne d’incertitudes et de querelles… Et c’est bien là, en effet, que gisait le mal. Les droits féodaux étaient un prétexte infini à chicanes. »
« Dans le Rouergue, Arthur Young trouve des gentilshommes dont le revenu atteint difficilement cinq cents livres. Un autre voyageur, Smolett, assure que les gentilshommes du Boulonnais ne sont pas assez riches pour faire plus d’un repas par jour, soupe, bouilli, poisson et salade… »
« Comme le père de Chateaubriand qui logeait cinq domestiques et deux juments dans un château où auraient tenu cent chevaliers, leur suite et la meute du roi Dagobert, ils vivotaient chichement dans leurs manoirs démeublés et délabrés. »
« Le plus souvent, leurs dernières terres étaient hypothéquées et ce n’est pas par plaisir qu’ils avaient engagé leurs rentes aux hommes d’affaires qui en poursuivaient le recouvrement avec une âpreté qu’ils n’y auraient jamais mise eux-mêmes.
« Les paysans n’avaient aucun motif pour les détester personnellement. En beaucoup d’endroits, au plus fort de la terreur, ils les protégeront et ils les sauveront… »
(Pierre Gaxotte, ibid., pages 28-29)
« Un pays hérissé de libertés »
« Le Roi n’est ni un tyran ni un despote »
(François Bluche, Historien)
*
Notre bon Roi Louis XVI, assassiné par la vermine maçonnique, financière et cosmopolite de l’époque (dont son propre frère « Philippe-Egalité »!)
Je vous convie à lire son testament authentique ici.
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Voici les témoignages de deux témoins primordiaux ayant assisté à la décapitation du Roi:
» Quelques semaines après la mort de Louis XVI et cependant que des journaux (maçonniques) relaient certaines voix révoquant en doute la sérénité intrépide du Roi sur l’échafaud, le bourreau Charles-Henri Sanson qui avait, de sa propre main, procédé à la décapitation, rétablit la vérité, étant de fait un témoin privilégié des derniers instants du monarque déchu.
Voici la lettre qu’il écrivait à ce sujet à M. Bérard, rédacteur du « Bulletin National » :
« L’article inséré dans le n°42 du « Journal de Bruxelles » sur les dernières paroles de Louis Capet, est le même que celui qui est inséré dans le n°410 du « Thermomètre du jour ». J’ai déjà écrit pour le démentir, comme étant de toute fausseté. Voici la copie exacte de ma lettre pour détruire l’anecdote ou l’on me faisait parler :
« Descendant de la voiture pour l’exécution, on lui dit qu’il fallait ôter son habit. Il fit quelques difficultés, en disant qu’on pouvait l’exécuter comme il était. Sur la représentation que la chose était impossible, il a lui-même aidé à ôter son habit. Il fit encore la même difficulté lorsqu’il s’agit de lui lier les mains qu’il donna ensuite lui-même lorsque la personne qui l’accompagnait lui eut dit que c’était un dernier sacrifice. »
« Alors il s’informa si les tambours battraient toujours : il lui fut répondu qu’on n’en savait rien, et c’était la vérité. Il monta sur l’échafaud et voulut s’avancer sur le devant comme pour parler ; mais on lui représenta que la chose était impossible. II se laissa alors conduire à l’endroit où on l’attacha ; et d’où il s’est écrié très haut :
« Peuple, je meurs innocent ! »
Se tournant vers nous, il nous dit :
« Messieurs, je suis innocent de tout ce dont on m’inculpe ; je souhaite que mon sang puisse cimenter le bonheur des Français. »
« Voilà ses véritables et dernières paroles. L’espèce de petit débat qui se fit au pied de l’échafaud roulait sur ce qu’il ne croyait pas nécessaire qu’il ôtât son habit et qu’on lui liât les mains. Il fit aussi la proposition de se couper lui-même les cheveux. »
« Pour rendre hommage à la vérité, il a soutenu tout cela avec un sang-froid et une fermeté qui nous a tous étonnés. Je reste très convaincu qu’il avait puisé cette fermeté dans les principes de la religion, dont personne ne paraissait plus pénétré et plus persuadé que lui. »
« Vous pouvez vous servir de ma lettre, comme contenant les choses les plus vraies et la plus exacte vérité. »
Signé Samson, Exécuteur des jugements criminels.
Ce 23 février 1793
De plus, vers 1860, rapporte « Le Salut public de Lyon », mourait, dans les environs de Vinay (Isère), le nommé Pierrard, dit le Trembleur, vieillard de plus de 90 ans: Cet homme, perruquier de son état, et jadis tambour au service de la République, commandait, comme tambour-maître, les tambours auxquels le général Santerre ordonna le roulement qui coupa la parole à Louis XVI sur l’échafaud.
On l’appelait le Trembleur parce que toutes les fois qu’il parlait de cet événement, il éprouvait un tressaillement si fort que sa tête se balançait sur ses épaules comme celles d’un poussah (Jouet d’enfant, figurine qui se balance quand on la pousse, mais demeure en équilibre sur une base arrondie.)
*
« Le monarque absolu au royaume de France n’est donc ni un tyran ni un despote. C’est pourquoi certains auteurs ont songé à remplacer monarchie ‘absolue’ par monarchie ‘administrative’ ou même de monarchie ‘tempérée’. »
(François Bluche, Louis XIV, Fayard, Paris 2002, page 195)
« La monarchie chrétienne et française est par son essence même, une monarchie ‘tempérée’ qui n’a rien à voir avec ces gouvernements d’aventure (tyrannies orientales ottomanes par exemple), qui promettent l’âge d’or et conduisent aux abîmes »
(Comte de Chambord, dans son manifeste du 2 juillet 1874)
« L’Etat de nos jours est plus directif que sous l’Ancien Régime »
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« La plus libérale des démocraties actuelles est bien plus absolue que la monarchie dite « absolue. » En effet, l’autorité étatique y est beaucoup plus à même d’imposer sa volonté. »
(Jean-Louis Harrouel, « L’esprit des institutions d’Ancien Régime, le miracle capétien », Perrin, 1987)
« Les libertés françaises offraient une résistance à l’arbitraire plus efficace, dit Ségur, que celle des lois. »
(Tocqueville cité in Frantz Funck-Brentano, « L’Ancien Régime », Les Grandes études Historiques, Librairie Arthème Fayard, Paris 1926, p. 528)
« Il peut exister des gouvernements, ‘absolus’ par leur doctrine, qui laissent à leurs sujets des libertés que les citoyens d’un Etat qui se qualifie de libre ne possèdent pas. »
(Albert Babeau cité in Frantz Funck-Brentano, ibid., page 529).
« On aurait bien tort de croire que l’Ancien Régime fut un temps de servilité et de dépendance: il y régnait plus de liberté que de nos jours. »
(Tocqueville cité in Frantz Funck-Brentano, ibid., page 529)
Pierre Gaxotte ajoute que « prise dans le carcan administratif qu’elle porte depuis plus d’un siècle sans révolte et qui favorise si bien les tyrannies sectaires ou césariennes, la France d’aujourd’hui est sans résistance et sans force contre les ministres et les bureaux. »
(Pierre Gaxotte, « La Révolution française », Nouvelle édition établie par Jean Tulard, Éditions Complexe, Bruxelles 1988, page 11)
Au vu de toutes ces données, il apparaît bien qu’il existe en France tout un enseignement républicain de dénigrement de la monarchie, de contre-vérités, de manipulations, bref de mensonges purs et simples. Combien de fois n’a-t-on pas lu que l’Ancien régime était une tyrannie et le Roi, un tyran ?
La vérité historique doit être établie.
L’historiographie est d’ailleurs en train d’évoluer à ce sujet et il sera intéressant de surveiller son évolution.
Un pays traversé de « chartes, de droits, de statuts, d’immunités de toute grandeur et de toute nature. »
*
« La conception révolutionnaire-napoléonienne d’un gouvernement bureaucratique servi par une armée de fonctionnaires, promulguant pour une nation d’administrés une seule législation, est peut-être ce qu’il y a de plus étranger à l’Ancien Régime. »
« Les plus grands réformateurs, les plus amoureux d’unité, Colbert, Machault, Maupeou, Lamoignon, ne pouvaient même pas imaginer pareille uniformité (que celle de la révolution), ni pareille docilité ! »
« Par décrets, Napoléon a bâti son édifice nouveau sur un sol nivelé. Après lui se renforce un autoritarisme ombrageux du pouvoir central. »
« Par entremises lentement conçues, lentement menées, on pourrait presque dire par tâtonnements, la monarchie, elle, avait réuni à la couronne d’anciennes provinces qui avaient chacune leur organisation et leurs coutumes. Et elle les a respectées. Le royaume est un par la personne du souverain, multiple par ses institutions. On est loin de la tyrannie ! »
« En 1668, après la première conquête de la Franche-Comté, Louis XIV signa avec les représentants du pays une capitulation dont voici le premier article:
« Toutes les choses demeureront en Franche-Comté au même état qu’elles sont présentement, quant aux privilèges, franchises et immunités. »
Une clause garantissait le respect des lois et édits en vigueur sous la domination espagnole. Une autre interdisait l’introduction d’impôts nouveaux. Une autre conservait à Besançon son Académie. Dole se faisait promettre qu’elle serait le lieu de réunion des Etats.
Enfin, l’acte se terminait sur cette déclaration:
« Sa Majesté promet et jure sur les Saints Evangiles qu’Elle et ses augustes successeurs les tiendront et maintiendront bien et loyalement en tous et quelconques leurs privilèges, franchises et libertés, anciennes possessions, usages, coutumes et ordonnances, et généralement qu’Elle fera tout ce qu’un Prince et Comte Palatin de Bourgogne est tenu de faire ».
« Elargissez cet exemple, représentez-vous les provinces, les villes, les classes, les associations, les métiers, les offices, pourvus de chartes, de droits, de statuts, d’immunités de toute grandeur et de toute nature, et vous aurez une idée de ce qu’était la France de Louis XV et de Louis XVI, et de la manière dont pouvait s’y exercer la volonté royale. »
« En dépit d’un très gros effort de simplification accompli sous Louis XIV, à toute décision gouvernementale continuait de s’opposer une masse de traditions, de contrats, de promesses, de faits acquis, dont on est bien forcé de tenir compte. »
« Il fallait discuter, composer, admettre des rabais, des décharges et des exceptions… Sans cesse, les ministres se répandent en lamentations sur la difficulté de gouverner un Etat composé de corps et de citoyens si bien armés pour faire échec à leur Roi:
« On ne peut faire un pas dans ce vaste royaume disait Calonne, sans y trouver des lois différentes, des usages contraires, des privilèges, des exceptions, des affranchissements d’impôt, des droits et des prétentions de toute espèce. »
(Pierre Gaxotte, « La Révolution française », Nouvelle édition établie par Jean Tulard, Éditions Complexe, Bruxelles 1988, pages 6-7)
« Les rois du vieux temps laissaient se gouverner leurs sujets à l’abri de leur autorité souveraine. » (Funck-Brentano)
« En tête de ses « Considérations sur le Gouvernement », vers 1737, le Marquis d’Argenson mettait cette épigraphe:
« La liberté est l’appui du trône. »
« Sénac de Meilhan ne croyait pas formuler un paradoxe quand il écrivait:
« La nation devait à ses souverains la liberté dont elle jouissait. »
« Les étrangers ne s’y trompent pas. Dallington va jusqu’à définir la France sous le gouvernement de ses princes, « une vaste démocratie »
(Frantz Funck-Brentano, « L’Ancien Régime », Les Grandes études Historiques, Librairie Arthème Fayard, Paris 1926, pages 525-526)
La liberté , Parlons-en !
*
Ce concept de « LIBERTE » qu’a imposé la Révolution, n’est rien d’autre que la théorisation du refus de tout ce qui peut, de l’extérieur, ordonner l’action de l’homme.
C’est le rejet de toute autorité, fut-elle bienfaisante, qui ne provienne pas de son petit orgueil. Autrement exprimé, c’est la transcription dans l’ordre social de la révolte de Lucifer, l’ange déchu contre son Créateur par pur esprit d’orgueil.
Cette fausse conception de la liberté débouche nécessairement sur le nihilisme, et constitue une absurdité totale mais indispensable au déclenchement des révolutions en s’emparant des esprits frustes et avides et envieux des masses.
Le monde chrétien médiéval reposait en réalité sur une toute autre conception de la liberté.
Dieu a créé l’homme, libre et à son image, non pas libre d’errer à son aise comme l’animal, mais libre de choisir et de créer comme Lui en fonction du Beau, du Bon, du Vrai … ou pas !
Ainsi passer de la servitude à la liberté, pour le chrétien, c’est ne plus plier sous le joug des caprices fluctuant du monde et de son petit moi, mais se placer sous l’autorité du Père et de sa Providence, c’est à dire du Créateur et de ses lois immuables. »
On mesure ainsi combien la conception chrétienne traditionnelle de la liberté est opposée radicalement à son contre-modèle révolutionnaire, ridicule et creux, ersatz pitoyable et fécond de toutes les catastrophes… Ne disait-on pas que Lucifer est celui qui veut singer Dieu ? Pour le plus grand malheur de ceux qui le suivent.
Il est aussi à noter que ce concept de liberté est valide sur le terrain de la philosophie ou de la théologie.
Cependant, à l’échelon social et politique, cette liberté se manifeste concrètement au pluriel : On parle dès lors « des libertés » qui sont aussi nombreuses que les divers pouvoirs qu’il est donné aux hommes d’exercer en raison de leurs réelles compétences.
*
Telle était donc la conception qui prévalait sous l’Ancien Régime:
A l’Etat le soin de la direction générale des affaires, de la paix intérieure et de la sécurité extérieure de la nation, attributs régaliens conformes au domaine de compétence du Roi et donc de son autorité, mais libertés partout ailleurs et dans chaque ordre, en raison des compétences de chacun.
*
Des historiens n’ont pas craint d’écrire que l’Ancien Régime était « hérissé de libertés »: Libertés et autorités, en effet, des Corporations, des Familles, des Paroisses et autres corps intermédiaires, des Provinces, des Communes, mais aussi de l’Etat et de l’Eglise. »
Frantz Funck-Brentano, »L’Ancien Régime », Les Grandes études Historiques,
Librairie Arthème Fayard, Paris 1926
Nous sommes bien éloignés, aujourd’hui, d’une telle conception de la société et des rapports entre les hommes, mais il n’est pas interdit, précisément, d’y réfléchir.«
(Alphonse duc d’Anjou et de Cadix dans un message du 25 janvier 1987 [3]
« Les libertés locales de l’Ancienne France sont demeurées justement célèbres. La France était hérissée de libertés. Elles grouillent, innombrables, actives, variées, enchevêtrées et souvent confuses, en un remuant fouillis. Chacune d’elle s’anime de pouvoirs particuliers, dont la variété aussi est infinie: autorités locales actives, illimitées, empiétant les unes sur les autres et se contrariant souvent. Cependant dit Tocqueville, on avait fini par établir un ordre régulier et assez facile dans les affaires. »
(Frantz Funck-Brentano, ibid., page 527)
« La royauté française, marquée par le christianisme, était fondée sur la justice, la paix et les vraies libertés qui sont les incessantes aspirations du peuple français. »
(Alphonse duc d’Anjou et de Cadix dans une lettre aux directeurs de « Mémoire » en date du 21 juin 1985 [4].
Ces « libertés » au pluriel et sans majuscule, sont donc bien à l’opposé du concept abstrait maçonnique, creux et uniformisateur de « LIBERTE » au singulier et avec une majuscule, avec lequel certains manipulateurs, très doués, ont fait le malheur des foules et de notre malheureuse France en particulier !
La Liberté révolutionnaire avec un grand L est une abstraction. Quant aux libertés réelles et concrètes : liberté individuelle, liberté d’association, liberté de l’enseignement, vraie liberté religieuse, libertés corporatives, universitaires, etc, la république « démocratique » les a singulièrement rabotées une à une.
Ecoutez ce que dit le célèbre historien de l’époque « moderne », François Bluche:
« La France du milieu du XVIIIe siècle ne revendique pas encore la « LIBERTE », cette abstraction, alors que les libertés au pluriel sont des réalités concrètes, recherchées, enviées, étendues).
(François Bluche, Louis XV, Collection Tempus, La Flèche 2003, page 94)
D’autre part, il faut savoir qu’on votait plus sous l’Ancien Régime qu’aujourd’hui, et les sujets étaient amenés à donner régulièrement leur avis :
– Votes dans les communes,
– Votes dans les corps de métiers,
– Cahiers de doléance et Etats Généraux, Parlements provinciaux, etc..
Les femmes votaient dès les « temps barbares de l’obscur Moyen Age. »
C’était un vote au niveau local qui avait beaucoup plus de puissance et d’efficacité car le sujet du vote était proche des Français. Un vote sain car les gens connaissaient bien le sujet du vote, les problèmes au niveau local, et ils pouvaient donner un avis éclairé.
Sous la monarchie, dite « absolue », l’élection a donc eu un rôle plus important qu’on ne dit.
Tout d’abord lorsque le Roi réunissait les Etats Généraux pour leur demander conseil ou créer un nouvel impôt, les trois ordres (Noblesse, Clergé, Tiers-Etat ) élisaient leurs représentants sur la base de circonscriptions régionales.
Plusieurs provinces, dites pays d’Etats, possédaient un Parlement autonome (en matière financière ou d’administration régionale par exemple.)
Le Parlement local était élu par la population locale.
Chaque grande ville élisait ses dirigeants désignés parfois sous le terme d’Echevin.
« Dans les provinces les plus tardivement réunies à la couronne, avaient longtemps subsisté des Etats particuliers dont les pouvoirs étaient vastes: ils dirigeaient l’administration locale, géraient leur budget privé et votaient les impôts généraux. A la veille de la Révolution, ce système fonctionnait partiellement en Bourgogne, en Provence, en Flandre et dans plusieurs pays des Pyrénées, absolument en Languedoc et en Bretagne. »
« Les Etats de Languedoc avaient une fort bonne réputation et passaient pour assez traitables. Ceux de Bretagne étaient difficiles. L’emploi de commissaires du Roi y était considéré comme une épouvantable corvée. »
« Aussi originale était la situation des terres alsaciennes et lorraines. Beaucoup d’Allemands viennent s’installer chez nous. Huit ou neuf mille servent dans notre armée et tiennent précisément garnison dans l’Est. les jeunes seigneurs du Palatinat ou du Wurtemberg (Forêt noire) rêvent de Versailles, parlent notre langue, achètent nos livres et collectionnent nos oeuvres d’art. »
« Les universités de Bonn et de Mayence sont toutes pénétrées de notre civilisation française et quand Goethe songe à être professeur, c’est pour enseigner à Strasbourg. »
« Il ne faut point toucher aux usages du pays d’Alsace », avait écrit un ministre de Louis XIV. En vertu de cet adage, ni le Concordat de 1516, ni la révocation (1685) de l’Edit de Nantes (1598) n’y sont appliqués. Les églises y vivent sous le régime en vigueur au moment de la réunion (Traité de Westphalie 1648). »
« Les protestants y pratiquent leur culte à peu près sans entraves. La langue, les coutumes, les tribunaux, les libertés bourgeoises, les constitutions municipales sont fidèlement respectées. Ni taille, ni aides, ni droits d’enregistrement. Des impôts locaux perçus selon la forme traditionnelle. »
(Pierre Gaxotte, « La Révolution française », Nouvelle édition établie par Jean Tulard, Éditions Complexe, Bruxelles 1988, p. 9-10)
Chaque corporation ou métier élisait ses représentants salariés et patronaux. Les évêques et les abbés étaient élus par les membres du clergé.
Pour finir, la Charte de 1814 octroyée par Louis XVIII instituait une chambre des députés. Mais il s’agit probablement là d’une concession faite au principe révolutionnaire de la « souveraineté populaire »…
N’oublions pas non plus que la république, qui se veut en France un modèle, a exclu les femmes du vote jusqu’en 1945.
D’autre part, Michel Antoine nous dit que « Dans certaines provinces, les sujets du Roi pouvait naître, vivre et mourir sans avoir directement affaire à l’Etat. »
(Michel Antoine, Louis XV, Fayard, 1989)
« Lex fit Consensu Populi et Constitutione Regis »
« Consentement de la Nation et décret du Prince »
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« Le principe des libertés nationales était posé dans cette maxime fondamentale de l’Etat français sous l’Ancien Régime: « Lex fit Consensu Populi et Constitutione Regis. » « Consentement de la Nation et décret du Prince », voilà l’antique formule du pouvoir législatif en France, depuis l’établissement de la monarchie »
Mgr Freppel, « La Révolution française, Autour du centenaire de 1789 », Paris: A. Roger et F. Chernoviz, 1889, page 33)
Les entraves à la puissance royale
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« En principe le monarque était « tout-puissant ». En pratique, l’Etat possédait un champ d’action limité: un grand nombre de questions d’intérêt public n’étant pas de sa compétence. »
« Un Louis XIV par exemple butait sur les innombrables barrières géographiques locales (libertés régionales), barrières géographiques au-delà desquelles son pouvoir était impuissant.
« C’est que la société d’Ancien Régime était communautaire : Corps royaux, provinciaux, coutumiers, municipaux, professionnels, corps savants (Universités, académies), corps de marchands, communautés d’arts et métiers, compagnies de commerce et de finance, chambres de commerce, compagnies et collèges d’officiers, corps des auxiliaires de la justice, tout est corporatif, au sens large. »
« Chaque français d’Ancien régime était inscrit dans un corps social qui protégeait ses libertés particulières; des libertés que le roi « absolu » ne pouvait empiéter. »
« Le Roi d’Ancien régime ne pouvait ni modifier ni supprimer les traditions locales, les droits des français, coutumes, libertés et autres privilèges de ces corps constitués. »
« Les villes et communautés du royaume tenaient de leur passé des privilèges importants: Exemptions ou réductions d’impôts, libre nomination des autorités urbaines, droit de justice, droit d’imposer, d’emprunter, de dépenser à leur guise. »
« Les paroisses rurales élisaient des syndics, mais ceux-ci ne pouvaient rien faire sans l’assentiment de l’assemblée générale des habitants qui se réunissait le dimanche à l’issue de la messe pour choisir les collecteurs des tailles, délibérer sur la corvée, les chemins et les impôts, entendre les communications de l’intendant et la lecture des nouveaux édits. »
« Mais le plus puissant obstacle à l’exercice illimité de l’autorité royale était constitué par les tribunaux eux-mêmes: Parlements, Cours des Comptes, Cours des Aides, présidiaux, baillages, sénéchaussées, élections, bureaux de finances, greniers à sel… dont les membres (moyennant certaines preuves de capacité) étaient propriétaires de leurs charges comme le sont aujourd’hui les notaires et les avoués. »
« C’est le droit d’acquitter, d’approuver et de réhabiliter ceux que la Cour poursuit, d’attaquer ses agents et de les décréter de prise de corps, de refuser net l’enregistrement et l’application des édits nouveaux, bref, la possibilité de tenir en échec toute la machine gouvernementale. Et cela avec d’autant plus de facilité que toutes ces justices n’ont point des limites absolues et qu’elles ont toutes, à des degrés divers, des attributions financières, administratives et politiques…
« Cette énumération est bien incomplète. Elle suffit pour montrer en quoi la France d’autrefois différait de la France d’aujourd’hui dans sa constitution et son gouvernement. »
(Pierre Gaxotte, « La Révolution française », Nouvelle édition établie par Jean Tulard, Éditions Complexe, Bruxelles 1988, pages 10-11)
Le Conseil du Roi, « Législateur suprême, centre et moteur de toute la machine »
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« Voici tout en haut, le Roi en son Conseil: C’est la formule même par laquelle s’ouvrent les édits . Le Roi, en effet, ne peut en conscience décider seul. Il décide après avoir pris l’avis des plus éclairés. »
« Le Conseil est le législateur suprême, le centre et le moteur de toute la machine. »
(Pierre Gaxotte, « La Révolution française », Nouvelle édition établie par Jean Tulard, Éditions Complexe, Bruxelles 1988, pages 11-12)
L’Intendant, « une administration sage, attentive, dévouée au bien public et accessible aux désirs de l’opinion. » (Pierre Gaxotte)
« Les Intendants, apparus au XVIe siècle, n’avaient été tout d’abord que des commissaires provisoires, chargés de missions temporaires dans les Provinces ou les Armées. Ce n’est qu’à partir de Colbert qu’ils furent établis à poste fixe dans des circonscriptions bien définies et avec des attributions si étendues que Lavisse a pu écrire avec raison que l’intendant, c’était le roi présent dans la Province. »
« On a souvent mal compris cette formule et cru que semblables à nos Préfets modernes, l’Intendant n’avait, pour ainsi dire, pas d’existence personnelle, qu’il était une simple émanation du ministre et ne pouvait rien engager d’important sans en référer à Versailles. Ce n’est pas exact. »
« Les pouvoirs considérables qui étaient conférés à l’Intendant lui appartenaient en propre et véritablement. Il en usait de lui-même largement et sous sa responsabilité. Il ne mandait pas sans cesse à Paris des instructions ou des ordres. L’aurait-il voulu, il en eût été empêché par la lenteur des communications. Il agissait, prenait des initiatives, allant de l’avant, ne cherchant que la consécration du succès. Il résolvait sur place les difficultés, entreprenait les réformes qu’il jugeait utiles, engageait à fond son autorité et sa personne, quitte à se faire couvrir ensuite par un arrêt du Conseil, que, d’ailleurs, il proposait, préparait et rédigeait lui-même. »
« Le contrôleur général (Ministre des Finances et de l’Intérieur) le surveillait de haut mais ne le gênait pas. Et cette liberté allait si loin qu’un Intendant de Paris put, de son propre chef, dans l’étendue de sa généralité, modifier du tout au tout l’assiette de la Taille et transformer la Capitation, impôt de classe, en une taxe sur les loyers. »
« Jeune maître des requêtes, remarqué pour ses rapports et ses travaux, voici l’intendant prêt à partir pour sa province. Il est sérieux, appliqué, ouvert à toutes les nouveautés, à tous les progrès, impatient d’entreprendre, avide de se distinguer. Il restera en fonction dans le même poste, dix ans, vingt ans, trente ans, quarante ans, plus peut-être, et il ne quittera les Intendances que pour une charge de Conseiller d’Etat ou un Portefeuille de Ministre. De toute façon, il ne cessera, sa vie entière, de travailler aux mêmes questions, dans le même esprit, avec la même prudente hardiesse. »
(Pierre Gaxotte, « La Révolution française », Nouvelle édition établie par Jean Tulard, Éditions Complexe, Bruxelles 1988, pages 12-13)
« A aucun moment de son histoire, la France n’eut une administration aussi sage. »
« A aucun moment de son histoire, même au temps des grands Préfets napoléoniens, la France n’eut une administration aussi sage, aussi attentive, aussi laborieuse, aussi dévouée au bien public, aussi accessible aux désirs de l’opinion. »
« Car si l’Intendant est l’homme du Roi, il est aussi l’homme de la Province. Il l’a habitée si longtemps qu’il fait corps avec elle. Il défend ses intérêts, il se fait son avocat et au besoin, au nom de son passé, des services rendus, il la protège contre les prétentions et les entreprises du pouvoir central. »
« Autour des intendants naissent et s’organisent par ébauches successives les grands services publics que la révolution démolira et que Napoléon n’aura qu’à relever pour faire figure de créateur. »
« L’enregistrement, le Domaine, les Hypothèques, l’Administration des vingtièmes, qui deviendra l’Administration des Contributions directes, la Régie, les Postes, les Eaux et Forêts, les Ponts et Chaussées, les Mines : Autant de corps dont la création et le perfectionnement doivent être, en toute justice, inscrits à l’actif des derniers Bourbons. »
« Bien des monuments demeurent de l’activité des intendants. Presque toutes les villes de province leur doivent leur physionomie et leur plan; Bordeaux, Nancy, Orléans, Tours, Rennes, Metz, Châlons, Rouen, Limoges, Poitiers, Besançon gardent intacts des places, des rues et des jardins où s’inscrivent dans la pierre et dans le sol, la prévoyance et le grand goût de leurs anciens administrateurs. »
« Mais plus encore qu’en flânant le long de leurs vieux hôtels, c’est en dépouillant les archives qu’ils nous ont laissées, que l’on se pénètre de leurs intentions et que l’on mesure leurs bienfaits. »
« Rien de moins rébarbatif que ces dossiers et que ces correspondances. Les hommes de ce temps savaient encore traiter les questions les plus ardues dans une langue aisée, sans lourdeur, ni barbarismes. »
« Quand un Ministre écrit à un intendant, c’est sur le ton d’une conversation d’affaires entre gens distingués. Le style est net, simple, précis. Les phrases disent en peu de mots ce qu’il est nécessaire de dire. En quelques lignes, sans longueurs, ni digressions, l’affaire est exposée sous toutes ses faces. Mais tout est exprimé avec noblesse, d’une manière à la fois courtoise et familière. »
(Pierre Gaxotte, « La Révolution française », Nouvelle édition établie par Jean Tulard, Éditions Complexe, Bruxelles 1988, pages 13-14)
« Jamais un Secrétaire d’Etat ne prescrit, n’ordonne, ne défend.
« Il recommande, conseille, prie. » (Pierre Gaxotte)
« Il écrit d’habitude: « Je vous serais obligé… »
« Entre lui et l’Intendant, aucune morgue, aucune servilité, aucun signe de subordination bureaucratique. »
« Ce n’est que par de très légères nuances dans la formule finale qu’il est possible de découvrir quel est le supérieur et quel est l’inférieur. »
« Aujourd’hui assurément, le Ministre de l’Intérieur n’écrit pas sur ce ton à ses Préfets. Cela vient sans doute de ce que Préfets et Ministres sont étrangers les uns aux autres. »
(Pierre Gaxotte, « La Révolution française », Nouvelle édition établie par Jean Tulard, Éditions Complexe, Bruxelles 1988, page 14)
Survient la révolution…
*
« … En quelques années, tout s’écroule, commerce intérieur et commerce extérieur. »
« Les purs de la révolution considèrent les commerçants d’un mauvais œil. »
« Pour Saint-Just, « une nation de gens de métier n’est pas une nation, mais une foire de marchands et de vagabonds ».
« Au regard des élèves des physiocrates (Disciples des « Lumières », seuls valent les paysans, ou bien, comme à Sparte, les guerriers. »
« Le réseau routier est bientôt laissé à l’abandon. La république n’a plus ni le loisir ni les ressources nécessaires à son entretien. »
« En Normandie par exemple, les travaux de la route de Balleroy à travers la forêt de Cerisy, commencés en 1785, sont abandonnés dès 1789, sous le prétexte que le commerce de Bayeux pourrait en pâtir. »
« Quand Mme de la Tour du Pin, en 1794, se rend de Bordeaux à Blaye, elle s’étonne de l’état de la grande route, qui était, comme toutes celles de France à cette époque, dans le dernier état de destruction. »
« Sous l’Empire, Napoléon tient seulement à disposer de voies sûres pour les allées et venues de ses troupes: le réseau routier prend une importance stratégique. »
« Sur ces routes désormais, en vertu d’une pratique nouvelle, généralisée vers 1807, chevaux et véhicules tiennent leur droite, à l’inverse de l’usage antérieur, et à l’inverse de l’usage anglais. Les armées de l’Empereur introduisent cette règle de circulation dans presque toute l’Europe continentale »
René Sédillot, « Le coût de la Révolution française, Vérités et Légendes », Perrin Mesnil-sur-l’Estrée 1987, p. 207).
« Napoléon, sans employer le langage des révolutionnaires, n’est pas tellement mieux disposé à l’égard des commerçants, même s’il célèbre les vertus du commerce. A ses yeux, les fournisseurs et les trafiquants sont des gens « dangereux pour l’Etat », « à la façon des Juifs et des usuriers. » (Il n’a pas tort ! Note VALC)
Il les fait rentrer dans le rang. Jamais, dira-t-il à Las Cases, je n’en voulus élever aucun aux honneurs. De toutes les aristocraties, celle-là me semblait la pire. Un riche négociant ne l’est souvent que par l’art de vendre cher ou de voler. »
(René Sédillot, ibid., page 210)
La guerre
*
« Les Anglais occupent les îles, la France perd ses colonies à sucre, et du même coup le meilleur de son commerce outre-mer. »
(René Sédillot, ibid., page 211)
« Après quatre-vingts années sans invasions, la France est brusquement appelée à mobiliser ses énergies pour une conflagration défensive et offensive qui la détourne des travaux de la paix et la contraint à vivre en état de siège, c’est-à-dire en économie fermée. »
« C’est d’abord la France qui s’emprisonne: en mars 1793, est prohibée l’importation de tout objet fabriqué dans les pays ennemis. »
« En août 1793, à la demande de Jacques Roux et de Fabre d’Églantine, sont interdites les exportations de denrées et matières premières jugées indispensables. »
« Pour plus de sûreté, l’Etat s’adjuge le monopole des importations, et il exporte lui-même les vins, draps et soieries qu’il réquisitionne. »
« Les belligérants ne combattent plus seulement sur le terrain militaire. Ils recourent à l’arme économique, qui consiste à perturber le ravitaillement de l’adversaire et si possible, à l’acculer à la reddition par l’étranglement de son commerce. Cette arme a déjà été brandie, durant la guerre de Sept Ans et pour la guerre d’Indépendance américaine. Entre l’Angleterre et la France, qui n’ont pas de frontières communes, elle apparaît comme le moyen privilégié de leur arsenal. »
« Pitt déclenche la bataille économique: les escadres britanniques veilleront à empêcher la sortie des marchandises de France et l’importation, en France, des matières premières destinées à l’industrie de guerre, ainsi que des grains destinés à l’alimentation de la population civile. »
« En juin 1793, l’Angleterre décrète le blocus de tous les ports français, et s’arroge un droit de visite et de confiscation sur tout bâtiment, même neutre, qui tenterait de le forcer. Face à la Royal Navy, la marine de guerre française ne dispose plus ni des navires, ni des états-majors, ni des équipages entraînés qui jadis faisaient son orgueil. »
« La France riposte comme elle peut: Par la guerre de course, qui met parfois à mal la flotte anglaise, par le système des convois, qui s’évertue à défier le blocus, par le cabotage qui se faufile à travers les mailles du filet, par ce qui peut subsister de commerce terrestre, en passant par la Suisse. Des agences de commerce sont (p. 213) créées, pour négocier des achats à l’étranger et organiser des trafics clandestins. »
« Une sorte d’union douanière se noue entre la France et ses alliés continentaux. Au monopole britannique sur la mer (de l’Atlantique à la Baltique), Paris oppose celui des marchandises françaises en Europe (de l’Espagne aux Pays-Bas et au royaume de Naples). Le déclin des ports français fait provisoirement la fortune des ports neutres du continent, Barcelone, Lisbonne ou Trieste, Hambourg ou Copenhague. »
(René Sédillot, « Le coût de la Révolution française, Vérités et Légendes », Perrin Mesnil-sur-l’Estrée 1987, p. 211-213).
L’Angleterre gagnante
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« Ce que la France perd, l’Angleterre le gagne. Plus encore sur le plan commercial que sur tout autre plan, elle est la grande bénéficiaire de la Révolution et de ses suites. Elle est sans doute consciente, dès le début du grand bouleversement, de la chance qui s’offre à elle: comme elle a une revanche à prendre sur la monarchie française qui a aidé l’Amérique à se libérer, elle n’est pas fâchée de voir le roi contesté et diminué.
« Voici, dit Fox après la prise de la Bastille, l’évènement le plus important de l’histoire du monde et le plus heureux ». La « cavalerie de Saint-Georges » ne manque pas l’occasion de financer discrètement les révolutionnaires les plus corruptibles »
(René Sédillot, « Le coût de la Révolution française, Vérités et Légendes », Perrin Mesnil-sur-l’Estrée 1987, p. 220)
« Ainsi, dans tous les domaines du commerce, sur terre comme sur mer, la révolution et l’Empire consacrent à la fois le triomphe britannique et l’éclipse de la France. Le commerce français ne retrouvera son niveau d’activité de 1789 qu’après 1825. Encore la part de la France dans le commerce mondial sera-t-elle alors loin de rejoindre le pourcentage atteint avant la révolution. Ce pourcentage-là ne sera jamais retrouvé. En chiffres absolus, trente-cinq années ont été perdues. En chiffres relatifs, à l’échelle du monde, le recul est sans appel. »
(René Sédillot, ibid., p. 222)
La fin des libertés françaises:
*
Les libertés perdues dans l’ordre politique:
« A l’échelle locale, sombrent les privilèges obtenus au fil des siècles par les provinces, les villes et les communautés d’habitants. »
« Parmi d’autres cas significatifs, celui de la Bretagne est le plus douloureux. Depuis que le Roi de France avait épousé la duchesse Anne, l’ancien royaume breton gardait ses propres Etats qui votaient les impôts courants et pouvaient refuser de nouvelles taxes, ainsi que son parlement, qui était cour souveraine et n’hésitait pas à entrer en rébellion contre le pouvoir royal. Charles VIII avait reconnu au duché pleine liberté fiscale. Louis XII avait signé la convention qui promettait de respecter « les libertés, franchises, usages et coutumes du pays. »
« L’Acte d’union de 1532, renouvelant ce serment, posait en principe que les droits et privilèges de la Bretagne ignorait la gabelle, comme aussi bien l’Artois, la Flandre, le Hainaut, la Navarre, le Béarn… Et le jour où Louis XV ordonnait d’arrêter un noble breton, dont l’ivresse faisait scandale, son lieutenant général devait présenter ses excuses… »
« La révolution met fin à cette autonomie. »
(René Sédillot, « Le coût de la Révolution française, Vérités et Légendes », Perrin Mesnil-sur-l’Estrée 1987, p. 79).
« La Charte inviolable de la Bretagne est violée sans façons, d’ailleurs avec l’accord des représentants bretons du Tiers à l’Assemblée nationale, et c’est même le Club breton qui engendre le club des Jacobins. »
« Les Chouans auront beau faire, elle ne sera plus que Finistère, Côtes-du-Nord, Ille-et-Vilaine, Morbihan et Loire-Inférieure.
« Elle paiera les impôts communs à tous les Français. »
« De même la Franche-Comté cesse d’être franche. Pourtant en 668, quand la Province avait été rattachée au Royaume, Louis XIV s’était engagé sans équivoque: « Sa Majesté promet et jure sur les Saints Évangiles qu’Elle et ses augustes successeurs tiendront et maintiendront loyalement leurs privilèges, franchises et libertés, anciennes possessions, usages, coutumes et ordonnances… »
Il faut croire que le nouveau régime ne compte pas parmi les « augustes successeurs ».
« Autre exemple de déchéance locale: la Corse rentre dans le rang. »
« Ultime acquisition du royaume, elle était devenue une province d’État, pouvant disposer d’une assemblée propre, qui associait les représentants de la noblesse, du clergé et du Tiers aux tâches du gouvernement (p. 80). Elle conservait à l’échelon paroissial la vieille institution des podestats et des pères du Commun, qui étaient à la fois les magistrats et les juges municipaux. »
« Elle jouissait d’uns régime fiscal distinct de celui du royaume, avec des paiements en nature plus souvent qu’en espèces; elle gardait le libre usage de sa langue, et un régime douanier à sa mesure. »
« Gouverneurs et intendants lui laissaient toute une possibilité de maintenir ses particularités et ses traditions, sans chercher à l’aligner sur les décisions de Versailles. »
« A l’inverse, la révolution qui prétend lui apporter la liberté, la lui retire. »
« La Constituante incorpore l’île de Corse « à l’Empire français ».
« Ses habitants « doivent être régis par la même constitution que les autres Français: Ce qui revient à leur imposer le droit commun, dans l’ordre politique, administratif, judiciaire, fiscal, militaire ou religieux. »
« Nos chaînes sont à jamais brisées, proclament dans l’île les partisans de la révolution, à l’heure où précisément elle est enchaînée au destin français. »
« Les Corses n’acquièrent que la liberté de payer les impôts de tous les citoyens (et il faudra Napoléon pour leur rendre quelques privilèges sur ce terrain.) »
« Ils auront droit à deux départements (que Napoléon réduira à un seul, pour des raisons d’économie). Ils devront subir les assignats, les persécutions, la conscription. Leurs enfants, dans les écoles, ne devront plus parler que la Langue de Paris. »
« Ainsi pourrait-on passer en revue, du Languedoc à la Bourgogne, de l’Alsace à la Saintonge, l’uniformisation des provinces françaises, désormais départementalisées et condamnées à la dictature du pouvoir central. »
(René Sédillot, « Le coût de la Révolution française, Vérités et Légendes », Perrin Mesnil-sur-l’Estrée 1987, p. 79-80).
Les libertés perdues au plan économique:
« Mais, après la perte des libertés locales au plan politique, c’est tout le peuple français qui, sur le plan économique, perd ses libertés élémentaires »
« Les paysans d’abord, et les plus pauvres. »
« Cette révolution est faite pour les propriétaires individuels, à l’encontre des droits collectifs du monde rural. »
« La propriété est un ‘droit sacré’ dont on veut le maintien éternel. Les révolutionnaires y tiennent d’autant plus que les biens nationaux sont vendus contre assignats, et qu’ils ne trouveraient pas acquéreurs si les titres de propriété en étaient contestés. Cambon souligne: « Nos assignats ne seraient rien sans le respect des propriétés ».
« A l’Assemblée, le Normand Thouret s’est fait l’interprète de la nouvelle conception:
« Il faut des propriétaires réels. Les communautés ne sont que des propriétaires factices ».
« Traduction: l’Église, qui est une propriétaire collective, sera dépossédée, et ses biens seront vendus par la nation, contre assignats. »
« Autre traduction, qui abolit les vieux droits d’usage: il n’est plus permis aux vieillards, aux veuves, aux enfants, aux malades, aux indigents, de glaner les épis après la moisson, de profiter des regains, de recueillir la paille pour en faire des litières, de grappiller les raisins après la vendange, de rateler les herbes après la fenaison; tout ce qu’ont laissé sur place les moissonneurs, les vendangeurs ou les faneurs, selon la loi biblique et l’usage féodal. »
« Il n’est plus permis aux troupeaux d’avoir libre accès aux chaumes, aux guérets, aux jachères: la révolution prétend interdire la « vaine pâture », qui, étendue par le « droit de parcours », permettait de passer d’une paroisse à l’autre (et que l’Ancien Régime, sans succès, avait cherché à limiter). Elle donne aux propriétaires le droit d’enclore leurs champs (loi du 6 octobre 1791). Elle édicte le partage des biens communaux, avec répartition par tirage au sort (loi du 10 juin 1793).
« Mais les traditions seront les plus fortes: elles maintiendront longtemps la vaine pâture et le droit de parcours fondés sur un usage immémorial. Le partage des communaux doit être rendu facultatif, puis, sous le Consulat, totalement arrêté.
« Comme les paysans, les salariés de l’industrie et du commerce sont atteints par l’idéologie révolutionnaire, hostile à tout ce qui peut s’interposer entre l’État et l’individu. »
« Avant la Révolution, tandis que les confréries groupaient maîtres et compagnons, les compagnonnages rassemblaient, en fait ou en droit, et surtout dans les métiers nouveaux, qui étaient des métiers libres, les seuls compagnons face aux maîtres. Ces compagnonnages devenaient des organisations de solidarité, mais aussi souvent de lutte ouvrière.
« Des grèves fameuses et interminables, notamment dans le bâtiment et dans l’imprimerie, témoignaient à l’occasion de l’intensité des conflits sociaux et de la puissance des organisations de classes… La révolution y met bon ordre. »
« Après avoir aboli le système corporatif, elle supprime les compagnonnages, en interdisant aux citoyens d’une même profession, ouvriers et maîtres, de « nommer des présidents, secrétaires ou syndics, de tenir des registres, de prendre des arrêtés, ou délibérations, de former des règlements sur leurs prétendus intérêts communs. Prohiber la nomination (p. 82) de syndics, c’est prohiber les syndicats, c’est refuser toute coalition de salariés. »
« Le Constituant qui se fait le promoteur de cette loi s’appelle Isaac Le Chapelier.
Élu de la sénéchaussée de Rennes, il a présidé l’Assemblée lors de la nuit du 4 août. Il a contribué à poser le principe de l’égalité dans les successions. Il a rédigé le décret qui abolit la noblesse et les titres féodaux. Cette fois, il exclut toute tentative d’union des travailleurs face à l’entrepreneur, il écarte toute menace de grève.
« La loi Le Chapelier du 14 juin 1791, met fin à ce qui pouvait subsister de libertés ouvrières:
« Si des citoyens attachés aux mêmes professions, arts et métiers faisaient entre eux des conventions, lesdites conventions sont déclarées attentatoires à la Liberté, et de nul effet…
« Tout attroupement composé d’artisans, d’ouvriers, de compagnons, de journaliers, ou excités par eux contre le libre exercice de l’industrie et du travail sont tenus pour séditieux. »
« Le Chapelier est guillotiné en 1794 mais son œuvre subsiste. Le Code civil ignore la législation du travail. Le Consulat parachève l’asservissement des salariés en exerçant sur eux un contrôle de police, avec le livret d’ouvrier, où sont consignés les embauches et les licenciements, voire les appréciations, élogieuses ou sévères, de l’employeur, ainsi que les sommes dont le salarié peut être débiteur. Le livret doit être visé par le commissaire de police à chaque changement de place. Ce système ne tombera en désuétude que sous la Restauration. »
« Les compagnonnages renaîtront seulement dans la clandestinité. Le droit de grève ne sera reconnu que sous le second Empire, et la liberté syndicale que sous la troisième République:
La révolution aura fait reculer la législation sociale de trois quarts de siècle.
(René Sédillot, « Le coût de la Révolution française, Vérités et Légendes », Perrin Mesnil-sur-l’Estrée 1987, page 82)
La centralisation jacobine
*
« Avant la Révolution, même si la monarchie était centralisatrice, la France était décentralisée.
« Elle l’était par la force des choses: L’héritage du passé diversifiait les coutumes et fragmentait les Provinces. Des chartes centenaires et des traités récents avaient tissé un inextricable réseau de franchises et de privilèges, qui ligotaient et paralysaient le pouvoir central. »
Chaque métier avait son statut, chaque ville avait ses libertés. Les jongleurs étaient exempts du péage au Petit Châtelet de Paris. Les manants de Montargis-le-Franc étaient exempts des aides, des tailles, et de toutes impositions présentes et à venir…
Pour la perception de la gabelle, le royaume était divisé en six zones.
« La Bretagne, la Bourgogne, le Languedoc, la Provence, l’Artois, le Cambrésis, la Flandre, le Hainaut avaient leurs propres États, qui consentaient les impôts, les répartissaient, les percevaient, décidaient les travaux, émettaient les emprunts. »
« Le Nord avait ses Echevins, le Midi ses Consuls, Bordeaux ses Jurats, Toulouse ses Capitouls. Le régime des Jurandes n’était applicable ni dans les nouveaux métiers (les glaces, la dentelle, les bas de soie, le fer-blanc), ni dans les villages, ni dans certaines villes (Bordeaux-Lyon), ni dans certains quartiers de Paris (Faubourg Saint-Antoine, Palais-Royal, paroisse Notre-Dame), ni dans certaines provinces (Bourgogne, Champagne, Poitou). »
« Les particularismes locaux distinguaient entre les façons de peser, de mesurer, de jauger: le pied variait de 10 à 13 pouces, la toise de 5 à 8 pieds, la lieue de 2000 à 3000 toises. L’arpent de Paris n’était pas celui du Gâtinais. La demi-queue d’Orléans était seule à contenir 240 pintes, le tonneau de Bordeaux à valoir 1000 bouteilles. La France aimait ces bigarrures, qu’elle considérait comme le symbole de ses liberté. »
» Il est vrai qu’en contrepartie, précisément parce que la France était décentralisée, la monarchie était centralisatrice: c’est-à-dire qu’elle s’efforçait de corriger l’état de fait, de décloisonner l’économie, d’uniformiser les unités de mesure, d’unifier les procédures, de superposer des codes aux coutumes locales. Elle n’y parvenait guère. »
Curieuse Monarchie « absolue » qui ne pouvait imposer ni une aune commune (ancienne mesure de longueur de 1,18 mètre et supprimée en 1840), ni une loi commune à tous ses sujets… »
La révolution n’a pas de tels scrupules
*
« Elle commence par éliminer Versailles, de façon à faire de Paris la capitale incontestable de la France. Les journées d’octobre 1789, qui ramènent à Paris « le boulanger, la boulangère et le petit mitron », y ramènent en fait les ministères, les services centraux, l’Assemblée. Désormais le pouvoir central est en place. »
« Les tentations décentralisatrices que pourraient représenter le fédéralisme et les Girondins sont bientôt matées. »
« Les insurrections provinciales, celles de Caen, de Rennes, de la Vendée, de Lyon de Toulon, sont mises au ban de la nation (=centaines de milliers de morts). »
« Jacobins et Montagnards, pour réduire à néant les forces centrifuges, proclament la république « une et indivisible. »
« Les « Comités de Salut public » et de « Sûreté générale » disposent d’un pouvoir absolu qui évoque, par avance, la dictature du prolétariat pour la sauvegarde de la république. Ils sont la Tcheka ou le KGB de la révolution française. »
Les Provinces où prospéraient les particularismes sont interdites
*
« On divise autoritairement, sans souci des particularismes locaux, dans l’ignorance même des peuples, des dialectes et langues locales:
Un Pays basque catholique assemblé de force avec un Béarn protestant par exemple.
La France en départements, les départements en districts, puis en arrondissements, les arrondissements en cantons, au sein desquels les paroisses sont remplacées par les communes. »
« Le système est hiérarchisé, et Paris, cœur et cerveau de la république, se hisse au sommet de la pyramide. » (La pyramide ? Tiens, tiens comme par hasard… Note VALC)
(René Sédillot, « Le coût de la Révolution française, Vérités et Légendes », Perrin Mesnil-sur-l’Estrée 1987, p. 65-66)
Liberté, Egalité, Fraternité… Ou la mort !
*
« Liberté-Égalité-Fraternité, la devise de la république adoptée en juin 1793, fait passer la Liberté avant toutes les autres conquêtes du nouveau régime. Mais il s’agit de « la Liberté avec majuscule », déesse froide et principe abstrait, qui n’a rien à voir avec les innombrables libertés que prodiguait le régime aboli. »
« La nuit du 4 août, en mettant fin aux privilèges, met fin à des libertés séculaires, et proclame l’égalité des Français devant la loi. »
« Plutôt que de « libertés conquises », il faudrait parler « d’égalités conquises ».
Camille Desmoulins résume l’idéal révolutionnaire: « Ma devise ? Pas de supérieurs! »
(René Sédillot, « Le coût de la Révolution française, Vérités et Légendes », Perrin Mesnil-sur-l’Estrée 1987, p. 68)
Droit de propriété ?
*
« Le Roi de France, qui n’est ni Pharaon ni Empereur de Chine, peut éventuellement prendre la vie de ses sujets pour crime de lèse-majesté, mais il ne peut pas prendre leurs biens, qui appartiennent à leur famille et à leur lignage. »
(Pierre Chaunu, Éric Mension-Rigau, « Baptême de Clovis, baptême de la France », De la religion d’État à la laïcité d’État, Éditions Balland, Paris 1996, p. 257)
« Si l’industrie piétine, si les inventeurs chôment, c’est aussi parce que la révolution coupe des têtes ! »
*
« Les savants, comme les animateurs d’entreprise sont parfois éliminés physiquement, à la manière de Lavoisier, en interrompant sur l’échafaud une carrière qui aurait pu être féconde.
A moins qu’ils ne mettent fin eux-mêmes à leurs jours, à la façon du chimiste Nicolas Leblanc, l’inventeur de la soude artificielle, dont les biens sont confisqués et qui est acculé au suicide.
Ou de Gabriel Palteau de Veymerange, l’un des bâtisseurs du Creusot, qui pourchassé comme contre-révolutionnaire, se jette par la fenêtre et s’écrase sur le pavé.
Ou encore à la façon encore d’Ignace de Wendel, dont la tête a été mise à prix et, qui ayant dû émigrer, sombre dans le désespoir et se condamne au poison, quelque part du côté de Weimar. C’est de ce dernier que Goethe, qui a suivi et assisté ses efforts, commente sobrement la fin tragique: « Son esprit organisateur et toujours en éveil cherchait à tromper son inaction par des plans étendus… Éloigné de sa patrie, dans un coin tranquille de la forêt de Thuringe, il tomba victime de bouleversements infinis ».
Des bouleversements qui coûtent cher à la France.
« La maison de Wendel résume tout le drame de l’industrie française. Parce que les jeunes ont dû fuir, elle est gérée par une veuve septuagénaire, Marguerite d’Hayange, aux prises avec les problèmes que posent « la stagnation du commerce des fers », et avec les exigences du ministère de la Guerre qui lui demande cent tonnes de boulets par mois, alors que l’entreprise manque de tout. »
« Il faut l’autorité du représentant du peuple à l’armée de la Moselle pour protéger le personnel de la maison. Il est défendu au nom de la nation et de ses intérêts, de troubler ou retenir aucun objet, ni ouvriers utiles, sous le prétexte de recrutement ou de marche en masse: le tout étant fondé sur le bien général. »
« Avec quelques centaines d’ouvriers, Mme d’Hayange a beau fabriquer, en vingt-quatre heures, 850 gros boulets, 84 gros obus, 4800 balles de fer battu, elle est suspecte par sa naissance, par son mariage, par sa famille émigrée, par sa force de caractère. On la rend responsable de tous les évènements. »
« On finit par avoir raison de l’obstination de cette vieille femme. Les forges et usines de la « citoyenne Wendel » sont mises sous séquestre le 30 décembre 1793. »
Une des grandes premières atteintes révolutionnaires au droit de propriété.
« Incarcérée à Metz, puis à Sarreguemine, elle ne sera libérée que bien après Thermidor. Entre-temps, l’entreprise nationalisée tombe aux mains d’un régisseur incompétent. »
« Les ouvriers, payés en assignats, abandonnent le travail. »
« Ils sont réquisitionnés, avec interdiction de déserter leur poste sous peine de mort. »
« Ils répliquent en sabotant leurs outil »
« Quand Marguerite d’Hayange, infirme et ruinée, reçoit la permission de regagner son village, elle n’y trouve plus que désolation: les hauts fourneaux sont éteints, les forges sont mortes, la maison est déserte et silencieuse. »
« A quatre-vingt-deux ans, la vaillante femme s’éteint, léguant à ses descendants, avec quelques habits usés et quelques meubles de sapin, l’exemple de la constance dans l’adversité. »
« Les forges mises aux enchères, échoient à un citoyen Granthil qui ne parvient pas à leur rendre vie. Au début de 1803, l’affaire est mise en faillite. »
« En juin, elle est adjugée à un négociant de Metz, qui prête son nom à la famille de Wendel.
François de Wendel, fils d’Ignace, recouvre l’héritage, reconstitue le domaine, ressuscite l’entreprise. Les guerres napoléoniennes multiplient les commandes. »
« Mais en 1811, ses usines occupent encore à peine 150 ouvriers, avec des méthodes artisanales et un équipement archaïque, recourant au bois et au charbon de bois, alors que, de l’autre côté de la Manche, la fonte est pour 97% fabriqué au coke. »
(René Sédillot, « Le coût de la Révolution française, Vérités et Légendes », Perrin Mesnil-sur-l’Estrée 1987, p. 184)
« La révolution a anéanti l’entreprise de Wendel de forges et métallurgie. »
L’empire ne la sauve qu’en lui assurant des débouchés trop commodes, à des fins militaires, et en la détournant de la conquête d’autres débouchés, plus pacifiques et plus sûrs, ceux qui feront du XIXème siècle, le siècle du fer. »
« C’est seulement en 1816 que François de Wendel pourra se rendre en Angleterre, pour étudier et noter les progrès de la métallurgie. En 1819 l’entreprise pourra travailler à « l’anglaise ». En 1823 sera édifié un haut-fourneau à coke et sera introduite en France la technique du puddlage, breveté par Cort en 1784.
Près de quarante années ont été perdues.
Liberté religieuse ?
*
« Après avoir été longtemps refusée, elle était quasiment acquise à la fin de la monarchie. »
« Les Juifs portugais de France avaient obtenu des lettres patentes, une commission avait amélioré le sort des Juifs d’Alsace. »
« Les Huguenots n’étaient plus pourchassés: au milieu du règne de Louis XV, on tolérait plus de deux cent cinquante églises réformées dans les provinces, surtout en Languedoc, en Dauphiné, en Poitou, en Normandie. »
« Louis XVI rendait aux Protestants la plénitude de leurs droits civils et confiait le gouvernement du royaume au Calviniste Necker. »
« Il était même de bon ton, avec Bayle, Diderot ou Voltaire, de railler la foi catholique, et de souligner l’avidité des Jésuite. »
« En condamnant les corps intermédiaires entre l’individu et l’État la Révolution s’en prend au clergé: Elle nationalise ses biens, suspend puis interdit les vœux monacaux, sécularise l’état civil, prétend faire des évêques et des curés des fonctionnaires élus par tous les citoyens, leur impose de prêter serment à la Constitution, sous menace de destitution, puis d’emprisonnement.
« 46 000 prêtres sur 70 000 sont révoqués. »
« On remplace les prêtres réfractaires et c’est Talleyrand qui sacre les nouveaux évêques. »
Le Pape s’indigne:
« Que pouvait-il y avoir de plus insensé que d’établir parmi les hommes cette égalité et cette liberté effrénée qui semble étouffer la raison ? » (Pie VI, 10 mars 1791).
« Face à la révolte vendéenne et à la résistance des fidèles, de zélés Conventionnels font détruire les croix sur les routes ou ordonnent aux prêtres de se marier.
(Je note au passage: Où l’on voit qu’aujourd’hui les revendications « progressistes », pour le mariage des prêtres ne sont pas des idées nouvelles mais puisent dans la révolution leur idéologie.)
« L’Eglise Sainte-Geneviève devient le Panthéon à la mode païenne. Partout les églises et les cathédrales sont désaffectées, ou transformées en Clubs, en casernes, en prisons, en magasins à fourrage, en bals, en maisons de tolérance. »
« Le calendrier romain fait place au calendrier républicain. Le décadi s’oppose au dimanche. Pas de pitié pour le paysan qui refuse de travailler un dimanche. »
« Défense de célébrer Noël ou Pâques, de vendre du poisson les jours de jeûne chrétien ! »
« Les noms de baptême et les noms de Lieux sont laïcisés.
« A Lyon, en grande cérémonie, on brûle un Evangile et un crucifix, et l’on fait boire à un âne mitré le contenu d’un calice. »
« A Paris on organise l’apothéose de la déesse Raison, qu’incarne à Notre-Dame une demoiselle d’opéra, au pied d’une montagne en carton. »
« Puis la Convention décrète une métaphysique, dont les dogmes sont l’existence d’un Être suprême et l’immortalité de l’âme. »
« Il faut Napoléon pour restaurer le calendrier grégorien et conclure avec le Saint-Siège un concordat qui reconnaît la religion catholique comme celle de la majorité des Français. »
Liberté d’opinion ?
*
« En droit, la presse n’était pas libre sous l’Ancien régime: La censure veillait.
Dans les faits, les libellés et les tracts couraient les rues: la censure veillait mal, et on la contournait à plaisir, souvent avec sa complicité. »
« Avec la Révolution, et même avant elle, la presse explose. Brissot publie dès avril 1789 le prospectus de son « Patriote français ».
« En mai 1789, Mirabeau publie deux numéros de sa propre feuille « États généraux ».
Il s’enflamme: « Que la première de vos lois consacre à jamais la liberté de la presse, la liberté la plus inviolable, la plus illimitée ! »
« Mais bientôt on découvre que la liberté ne doit valoir que pour les champions de la liberté ! »
« ‘Si la presse est libre, peut encore écrire le Journal politique national, la pensée ne l’est pas, et les imprimeurs de la capitale, pour être assis à la table de la liberté n’en ont pas moins sur leurs têtes les réverbères de Paris. Ils n’ont plus de censure, mais ils ont des bourreaux ! »
« On brûle les journaux royalistes. On limite la circulation des écrits suspects. »
« Le Conseil général de la Commune, après la journée du 10 août, décide l’arrestation des « empoisonneurs de l’opinion publique, tels que les auteurs des journaux contre-révolutionnaires. »
« Chateaubriand brossera le tableau de ce temps:
« La mort était alors le droit commun français. Pour comité de censure, on avait le Club des Jacobins; pour gazette du matin, le procès-verbal des exécutions de la veille; le bourreau était le seul journaliste quotidien qui fût en pleine possession de la liberté de la presse. On n’exigeait pas des autres écrivains le dépôt de leurs ouvrages, mais celui de leurs têtes. »
L’échafaud n’épargne personne: ni Camille Desmoulins, ni le « Père Duchesne. »
(René Sédillot, « Le coût de la Révolution française, Vérités et Légendes », Perrin Mesnil-sur-l’Estrée 1987, page 75)
*
« Après le réveil de la presse sous le Directoire, l’Empire fait le vide. Sont supprimés les journaux qui ne respectent pas les consignes. »
Guerre aux langues locales
*
« Face aux langues locales, aux idiomes, aux dialectes, aux patois, la promotion du français est affaire d’État. »
« En 1789, dans les provinces, on ne parlait guère comme à Paris ou en Touraine. »
« Or, il est important, pour le maintien de l’égalité réelle que le langage cesse de séparer les hommes en deux classes ». Condorcet pose ce principe.
« Les deux classes en question, c’est d’un côté ceux qui savent le français, de l’autre ceux qui ne le savent pas. »
(René Sédillot, « Le coût de la Révolution française, Vérités et Légendes », Perrin Mesnil-sur-l’Estrée 1987, p. 101).
« On leur enseignera de force. » (p. 102)
« La loi du 21 octobre 1793 exige que « les enfants apprennent à parler, lire et écrire la langue française. »
« L’abbé Grégoire, dans son Rapport sur les idiomes et patois, assure que l’on peut uniformiser la langue d’une grande nation. »
« Cette entreprise est digne du peuple français, qui doit centraliser toutes les branches de l’organisation sociale et qui doit être jaloux de consacrer au plus tôt dans une république une et indivisible, l’usage unique et invariable de la langue de la liberté. »
« Au nom du Comité d’Instruction publique, Barrère présente à la Convention un rapport qui, tout en exaltant les vertus du français, condamne sans appel les idiomes locaux. (document du 28 janvier 1794, 8 pluviôse an II)
Dans ce document Barrère assure que le français est la langue qui est chargée de transmettre au monde les plus sublimes pensées de la liberté et les plus grandes spéculations de la politique. »
« En regard, l’idiome appelé bas-breton, les langues allemande et italienne (celles de l’Alsace, de la Corse) ont perpétué le règne du fanatisme et de la superstition, assuré la domination des prêtres, des nobles et des patriciens, empêché la révolution de pénétrer dans neuf départements importants et peuvent favoriser les ennemis de la France. »
« Les habitants de Corse ne soupçonnent même pas l’existence des lois françaises. La variété des idiomes n’est que le legs du despotisme. »
« Le fédéralisme et la superstition parlent bas-breton, l’émigration et la haine de la République parlent allemand, la contre-révolution parle italien et le fanatisme parle le basque… Brisons ces instruments de dommage et d’erreurs. »
« Laisser les citoyens dans l’ignorance de la loi nationale, c’est trahir la patrie, c’est laisser le torrent des lumières empoisonné ou obstrué dans son cours… Donnons aux citoyens l’instrument de la pensée publique, l’agent de plus sûr de la révolution, le même langage. »
« Ayons l’orgueil de la prééminence de la langue française depuis qu’elle est républicaine. »
« Nos ennemis avaient fait de la langue française la langue des cours. Ils l’avaient avilie et c’est à nous d’en faire la langue des peuples, et elle sera honorée! »
Honorée ? En effet, on voit le résultat aujourd’hui !
« Il n’appartient qu’à elle de devenir la langue universelle. »
« La convention se rallie d’enthousiasme aux conclusions du rapporteur, et décrète, ce même 8 pluviôse an II, que le français sera imposé dans les écoles de Bretagne, de Lorraine, d’Alsace, de Corse, du pays basque, du pays catalan. »
« Des instituteurs doivent être nommés dans les dix jours dans chaque commune de campagne de onze départements (y compris le Nord, où l’on parle flamand, et les Alpes-Maritimes, où l’on parle italien.) »
« Ils seront tenus d’enseigner tous les jours la langue française et la Déclaration des Droits de l’Homme alternativement à tous les jeunes citoyens des deux sexes. »
« Malgré la terreur linguistique que la Convention tente de faire régner, la guerre aux idiomes locaux échoue, sauf dans l’enseignement secondaire et supérieur… On parle souvent patois à l’école. »
« Au surplus, la nécessité de porter à la connaissance de tous les innombrables lois, décrets et arrêtés de la République, implique un choix cruel: si on ne les traduit pas en langage vulgaire, ces textes seront ignorés. Si on les traduit, on renonce à diffuser le français. Faut-il propager les idées révolutionnaires, ou la langue ?
Napoléon est plus tolérant:
« Il se souvient qu’il a appris à lire en italien. A ces cavaliers recrutés en Alsace, il se garde d’imposer la langue nationale. « Laissez à ces braves gens leur dialecte, dit-il, ils sabrent toujours en français ». S’il n’a pas tenu exactement ce propos, il répond à sa pensée.
« D’ailleurs, la réquisition et la conscription contribuent, mieux que l’école, à vulgariser les modes d’expression.
« Le temps, mieux que la contrainte, fera son œuvre. »
Explosion du capitalisme, de l’affairisme et de la maçonnerie.
*
« La vraie révolution française, celle qui va marquer tout le siècle, se situe sur le plan financier: A la primauté du sang, qui caractérisait l’Ancien Régime, succède la primauté de l’argent. »
« A la noblesse, qui détenait en principe les privilèges, succède la bourgeoisie. Aux nobles succèdent les notables. Marat lui-même s’interroge: « Qu’allons-nous gagner à détruire l’aristocratie des nobles, si elle est remplacée par l’aristocratie des riches ? »
« Il ne s’agit pas d’un avènement du capitalisme: celui-ci co-existait avec l’ancienne société, dans le cadre d’une économie de marché. Mais les capitalistes n’avaient pas le premier rang. Même un Samuel Bernard, même un John Law ne pouvaient prétendre aux honneurs que dans la mesure où ils se pliaient aux règles établies, en s’anoblissant et en entrant dans le système.
« Le Roi, de toute façon, était au-dessus de la mêlée. »
« Il s’agit d’une explosion du capitalisme. Du second rôle, il passe au premier. Aucune autorité, désormais, ne sera en mesure de lui servir de contrepoids. »
« Les droits de la naissance ne pourront rien contre ceux de la finance. L’explosion se traduit par la promotion du banquier et du spéculateur: tout banquier, dans la tourmente, est nécessairement spéculateur. »
« Avant la révolution, les banquiers privés étaient nombreux, parfois influents, mais sauf Necker en 1789, ils ne tenaient jamais le haut du pavé. Beaucoup d’entre eux étaient de confession protestante, d’origine cévenole ou suisse, et ils fondaient des dynasties bancaires: le Genevois Isaac Mallet s’était établi à Lyon en 1735, le Neuchâtelois Perregaux à Paris en 1781. Genevois encore, Bidermann et Clavière apparaissaient dans la capitale en 1782, et le Zurichois Hottinguer en 1783. Le calviniste Tronchin était, à Lyon puis à Paris, le banquier favori de Voltaire, qui ne méprisait pas les manieurs d’argent.
« La révolution assure d’emblée la promotion des bourgeois fortunés, qui ne tardent pas à prendre le contrôle des municipalités à Marseille, Lyon, Bordeaux ou Nantes. « Ce sont les hommes riches qui vont gouverner Bordeaux » (Jean Jaurès, Histoire socialiste de la Révolution française), Bordeaux qui choisit pour maire Saige, « dix fois millionnaire ». A Nantes, le Comité de salut public est entre les mains des plus riches négociants, la plupart affiliés aux loges maçonniques, dont Buteiller père, le plus opulent… »
(René Sédillot, « Le coût de la Révolution française, Vérités et Légendes », Perrin Mesnil-sur-l’Estrée 1987, p. 242-243)
Corrupteurs et corrompus au pouvoir
*
« Le règne de l’argent n’implique pas seulement la promotion des banquiers et des spéculateurs. Il se traduit par une montée de la corruption. »
(René Sédillot, « Le coût de la Révolution française, Vérités et Légendes », Perrin Mesnil-sur-l’Estrée 1987, p. 247).
« La vertu fait cruellement défaut dans l’histoire de la révolution. Les corrupteurs ont le champ libre, pour acheter les consciences, les concours, les suffrages. Les corruptibles sont légion, et ils ne résistent pas toujours à la tentation. »
« Parmi les corrupteurs figurent bien entendu les gens de finance, qui ont le moyen de séduire, les nouveaux riches qui ont envie de mesurer l’étendue de leurs pouvoirs. Mais il y a aussi les anciens riches, voire les aristocrates nantis, qui croient trouver dans la subversion révolutionnaire l’occasion de satisfaire des ambitions nouvelles. Le type accompli de ces corrupteurs est le duc d’Orléans, qui cache à peine son désir de monter sur le trône, en substituant la branche cadette à la branche aînée des Bourbons. »
« Philippe Égalité ne cesse guère de stimuler et de subventionner les agitateurs, ceux du 14 juillet, ceux des journées d’octobre, il se fait élire à la Convention et vote la mort du roi, avant de monter à son tour sur l’échafaud. Quelques historiens verront en lui la « main invisible » qui, à ses débuts, orchestre la Révolution. »
« Autres corrupteurs, les étrangers, Autrichiens, Hollandais, Prussiens, et plus encore Anglais, qui croient pouvoir peser sur le cours des évènements en achetant les acteurs du drame. La « cavalerie de Saint-Georges », actualisée à l’enseigne de « l’or de Pitt », n’est pas une pure légende, et elle n’a que l’embarras du choix pour prodiguer ses interventions. »
(René Sédillot, ibid., p 248)
« Le palmarès des corrompus de la révolution est trop nourri pour qu’on puisse ici l’épuiser. On ne saurait qu’en présenter quelques échantillons, parmi les moins discutables. »
« Mirabeau, stipendié de la Cour, envoie de juin 1790 à mars 1791, deux fois par semaine, la facture de ses interventions: une bonne cinquantaine de documents, qui atteste son double jeu. »
« Danton qui se vend à qui veut l’acheter: la Cour, le duc d’Orléans, la Prusse peut-être… »
« Marat ne se pique même pas d’intégrité ni d’indépendance: C’est publiquement et par voie d’affiches que pour « l’Ami du Peuple » il demande 15.000 livres au Duc d’Orléans, devenu citoyen Égalité. »
« Voilà pour les figures de proue. Les seconds rôles ne sauraient passer pour plus vertueux, même s’il reste beaucoup à apprendre sur leur compte. Dès maintenant, on est sans illusion sur le cas de Fabre d’Églantine, impliqué dans le scandale de la Compagnie des Indes. »
« Sur celui de Fouquier-Tinville, qui traite à prix d’argent de la liberté ou de la mort des incarcérés. »
« Sur celui de Camille Desmoulins, qui quémande six Louis auprès de Mirabeau et dilapide les 100 000 livres de la dot de sa femme Lucile. »
« Sur celui de Cambon, le grand argentier de la République, qui se fait adjuger, ainsi qu’à ses fils deux fils aînés, d’innombrables domaines nationaux, terres, fermes, immeubles, au point de se constituer un prodigieux patrimoine. »
« Sur le cas de Dumouriez, habitué des tripots, et constamment prêt à monnayer ses trahisons. »
« Sur le cas de Hébert, le plus fougueux et le plus mal embouché des révolutionnaires, dont les « foutreries » et les « bougreries » camouflent peut-être de singulières accointances avec la réaction (Marina Grey: Hébert, le père Duchesne, agent royaliste) »
« Il va de soi qu’après Thermidor et sous le Directoire, avec Tallien, Barras et quelques autres personnages de poids, la corruption est souveraine. »
« Faisant la liaison entre la révolution et l’Empire, prêts à vivre sous tous les régimes et par eux, des hommes comme Talleyrand et Fouché, savent tirer parti des circonstances: « Nous tenons la place s’exclame Talleyrand quand Barras en 1797 le nomme ministre des Relations extérieures. Il faut faire une fortune immense ! »
« Cette fortune, on l’évalue déjà à 40 millions à la fin du Consulat… Enfin Fouché, qui passe de la Présidence du Club des Jacobins au ministère de la Police impériale, est en bonne position pour toutes les intrigues et tous les chantages. Par l’intermédiaire d’Ouvrard, il entame des pourparlers secrets avec Londres: ses gestes ne sont jamais gratuits… »
(René Sédillot, ibid., p. 249).
« C’est du haut en bas de l’échelle sociale que décline la moralité publique. »
« La France entière découvre les gains faciles et immérités, les comptes obscurs ou clandestins, les fortunes et les ruines subites. »
(René Sédillot, ibid., p. 251).
« Pour l’Angleterre, dira Michelet, la guerre a finalement été plus lucrative que la paix elle-même. Le long conflit qui l’a opposée à la France s’achève par son triomphe. La France en sort appauvrie, l’Angleterre mûre pour l’enrichissement. »
(René Sédillot, ibid., p. 254).
La faillite
*
« Pratiquement, de 1726 à 1789, c’est-à-dire pendant près de deux tiers de siècle, la France a joui d’une parfaite stabilité monétaire, comme elle n’en avait pas connu même au temps de Saint-Louis. Les Français appréciaient pleinement la sécurité que leur offrait la Livre-Tournois, immobile à l’équivalence de 4.50 grammes d’argent fin. Une seule mutation, sous Louis XVI, en 1785, prenait en compte la hausse du métal jaune par rapport au métal blanc, en ramenant la teneur de la Livre-Tournois en or de 310 à 29 milligrammes: Simple correction technique, qui n’entamait pas la crédibilité de la monnaie. »
« Quand les Etats-Généraux deviennent Assemblée Nationale, le problème financier se pose soudain en des termes angoissants. Le pillage des greniers à sel, la destruction des bureaux d’octroi et des registres du fisc ne peuvent que l’aggraver. Les capitaux s’évadent: Capitaux français des émigrés, capitaux des banques étrangères qui rapatrient leurs fonds à Londres, Gênes ou Amsterdam. Les impôts ne rentrent plus. Le déficit est béant… «
Mais l’Assemblée se croit riche à milliards dès l’instant qu’elle nationalise les biens ecclésiastiques: C’est une aubaine extraordinaire que de disposer, sans bourse délier, d’un pareil trésor !
Pourquoi ne pas gager du papier sur ces avoirs fonciers ? Voilà lancée l’idée des Assignats, « signes » représentatifs d’arpents de terre. En décembre 1789, est créée une « Caisse de l’extraordinaire », que doteront les ventes de domaines nationaux et qui émettra pour 400 millions de papier. »
« L’assignat devient monnaie légale. Si quelques Constituants mettent en garde l’opinion contre ce « funeste papier », la plupart en célèbrent les mérites. Douter de la valeur de l’Assignat, clame Mirabeau, c’est douter de la Révolution, c’est un crime ! »
« Pour parer au déficit grandissant du Trésor, aux « besoins du commerce », puis au coût de la guerre, les émissions se renouvellent, leur plafond est relevé par étapes… Puis, pour plus de facilités, la notion même de plafond est abandonnée en mai 1793. »
Après Thermidor, le rythme des émissions s’accélère. En 1795, il passe de 700 millions par mois à 3 milliards, puis, avec le Directoire, à 5 milliards ! Quand l’aventure prend fin, au seuil de l’année 1796, la circulation officielle s’élève à 39 milliards. Au total, il a été fabriqué pour plus de 45 milliards d’assignats: soit quinze fois plus que durant le système de Law. »
La révolution a multiplié par 20, en sept années, le volume de la masse monétaire… »
(René Sédillot, « Le coût de la Révolution française, Vérités et Légendes », Perrin Mesnil-sur-l’Estrée 1987, p. 223)
« La conséquence la plus visible, et la plus immédiate, c’est la dépréciation de ce papier pléthorique, avec pour contrepartie la hausse des prix (inflation). »
L’assignat perd 15% sur le métal au milieu de 1791, mais déjà 40% en juillet 1792, et 64% en juillet 1793. Sur les marchés extérieurs, à Londres, à Hambourg, à Bâle, le change français dégringole. »
« A l’intérieur, les Français savent à quoi s’en tenir: « Les écus sont des écus, raillent-ils, les assignats des torche-culs ». En peu de temps, le pain, le sucre, le café, la chandelle, le savon doublent de prix. Les paysans répugnent à livrer le grain, les commerçants refusent de vendre. »
« A la hausse des prix réplique la taxation. Défense de vendre au-dessus du « maximum », sous peine de mort. Au refus de vente réplique la définition du crime d’accaparement. Au maximum et à la répression réplique le marché noir.
« La terreur monétaire fait fi de toute liberté. On dissout les sociétés de capitaux, on ferme la bourse, on interdit aux gazettes de publier les cours des changes, on prohibe la vente du numéraire, on promet la mort à quiconque refuse des assignats, on ordonne la saisie de l’or et de l’argent. Quand après Thermidor la Convention repentante revient sur ces mesures, elle ne peut que relancer l’inflation. »
« Les 1000 Livres-assignats, qui valent encore 340 Livres-métal en juillet 1794 tombent à 210 en janvier 1795, à 40 en juillet, à 5 en janvier 1796, à 2 en juillet 1796, à 10 sous en août. »
« Le Louis d’or se traite à 17.950 Livres-papier le 5 juin 1796. »
« Les rapports de police consignent les propos tenus dans la rue sur l’Assignat:
« Passé Sèvres, on ne trouverait pas un verre d’eau pour un assignat. »
Ils notent qu’une femme a tué deux de ses enfants, faute de pouvoir les nourrir (30 mars 1795; que propriétaires et rentiers cherchent leur nourriture dans des tas d’ordures (10 juin 1795); que des femmes disent qu’ il faut un Roi, mourir pour mourir (15 novembre 1795); que des passants murmurent: On vivait sous les Rois, on meurt sous le gouvernement actuel (7 décembre 1795). Une affiche sur le boulevard de la Madeleine réjouit les badauds: « République à vendre, à bas prix, en numéraire. »
(René Sédillot, « Le coût de la Révolution française, Vérités et Légendes », Perrin Mesnil-sur-l’Estrée 1987, p. 225)
« La faillite financière est consacrée le 19 février 1796, à 9 heures, lorsque sur la place des Piques, ex-place Vendôme, sont brûlés solennellement 890 millions d’Assignats provenant d’un emprunt forcé, ainsi que les planches à billets. »
Cependant 25 milliards d’Assignats circulent encore. Le Directoire n’en arrête la fabrication que pour la reprendre sous un autre nom. Pour 30 Assignats, il offre un Mandat. De la sorte les 25 milliards d’Assignats qui subsistent, réduits au trentième, doivent engendrer 833 millions en Mandats; et sans plus tarder, le Directoire ordonne l’impression des Mandats pour 2400 millions. Nouvelle interdiction des règlements en métal. Défense de refuser les Mandats. »
« L’échange des Assignats contre Mandat n’a pas de succès. A quoi bon troquer papier contre papier ? Les 1000 livres-Mandats tombent à 160 en avril 1796, à 120 en mai, à 80 en juin, à 50 en juillet, à moins de 30 en novembre, à 10 en février 1797. »
Les seuls preneurs volontaires sont les acquéreurs de biens nationaux, désormais cédés sans enchères. Les spéculateurs s’en offrent à cœur joie, tandis que les citoyens moins avisés sombrent dans la misère. Les armées de la république ne peuvent vivre que sur l’ennemi, les hôpitaux ferment, le brigandage prospère. La livre de pain vaut 150 Livres, la Livre de sucre 1600 ! »
« Un juge à Paris se fait maçon entre les audiences. Un membre de l’Institut, le botaniste Adanson, exprime le regret de ne pouvoir se rendre à l’Académie, faute d’avoir les moyens d’acheter, pour 15 ou 20 000 livres, une paire de souliers. »
« Il s’était fait de nouveaux riches, mais bien davantage de nouveaux pauvres » (Marcel Marion) »
« Témoignage du district de Dieppe: « Nous n’y pouvons plus tenir: Notre cœur est déchiré à l’aspect des maux de nos concitoyens. » Témoignage du district de Caen: « On voit sur toutes les figures les traces produites par la famine. »
« Sous la pression de l’évidence, le Directoire capitule. Il restaure la liberté de payer en espèces ou en papier (23 juillet 1796). Il décide que les Mandats seront repris au centième de leur valeur nominale par les caisses publiques. Cette dévaluation de 99% s’ajoute à celle qu’a opérée la substitution du Mandat à l’Assignat, à 1 pour 30. «
« Le citoyen qui a fait confiance au papier a ainsi perdu dans la proportion de 3000 à 1. »
(René Sédillot, « Le coût de la Révolution française, Vérités et Légendes », Perrin Mesnil-sur-l’Estrée 1987, p. 226)
Conclusion
* Le Moyen-Age, époque soi-disant barbare, était au fond plus libre que notre « République contemporaine »: le Roi ne pouvait pas empiéter ni encore moins supprimer les traditions des Français, les femmes avaient le droit de vote, les régions ne dépendaient pas de Paris.
* La monarchie capétienne était un pouvoir modéré.
* Le Roi était bien plus accessible que notre Président de la République. Pour venir le voir à Versailles, il suffisait de louer une épée à l’entrée !
* A l’instar du plus humble de ses sujets, le Roi est tenu d’obéir aux lois divines. S’il les viole trop ostensiblement, le peuple a le droit et même le devoir de se révolter contre lui.
Mesurez-vous à présent, mes amis, l’étendue de l’immense forfaiture maçonico-républicaine ? L’épaisseur du mensonge dans lequel nous sommes englués, et pire !
… N’en ayant même plus conscience…
Alors… Le Moyen-Âge: Une imposture ?
Puissent ces quelques lignes vous avoir fait entendre une petite musique de radicale et salutaire dissidence.
Et que le Ciel nous garde !
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