« L’Ecole du Jardin Potager »
par Monsieur Louis DU BOIS
Membre de plusieurs Académies, Sociétés d’Agriculture de Paris, des Départements, et de l’Etranger.
Tome Premier
Paris
Raynal Libraire – Rue Pavée Saint André des Arts, numéro 18
1822
CHAPITRE VII
» La Truffe «
Voici une plante dont aucun auteur n’a parlé, et vraisemblablement c’est par mépris pour elle qu’on l’a exclue de la classe des plantes potagères ; car elle est trop anciennement connue et trop répandue, pour qu’elle ait pu échapper à
leur connaissance !
Cependant il y a de l’injustice à omettre un fruit qui sert de nourriture à une
grande partie des hommes de toutes nations.
Il ne s’agit point ici du Lycoperdos Tuber (la Truffe proprement dite) mais de la Solanée Parmentière, la pomme de terre, Solanum tuberosum, qui était
encore très peu connue en France.
Les paysans, dans quelques parties de la France, se servent encore du
mot truffe pour pomme de terre.
Ce précieux tubercule fut bien connu en France qu’en 1767, par la publication du Recueil des Mémoires concernant les pommes de terre, par Mustel, Parmentier, etc …
J’estime qu’il doit avoir place avec les autres, puisqu’il sert utilement, et qu’il a ses amateurs.Ce n’est pas seulement le bas peuple et les gens de campagne qui en vivent dans la plupart de nos provinces ; Ce sont les personnes même les plus aisées des villes ; et je puis avancer de plus, par la connaissance que j’en ai , que beaucoup de gens l’aiment par passion.
Je mets à part si c’est une affection bien placée, ou une dépravation du goût: il a ses partisans, cela me suffit.
Il y a deux espèces de truffes, qui ne diffèrent l’une de l’autre que par la couleur extérieure, l’une étant rouge, et l’autre blanche, tirant sur le jaune : cette dernière est préférée, ayant moins d’âcreté que la première.
La plante qui la produit fait une quantité de racines ligneuses, blanches et menues, garnies de beaucoup de chevelu : le fruit naît entre deux terres , et tient aux racines par une espèce de pédicule au nombre de vingt ou trente,
les uns plus gros, les autres plus petits : Ce fruit est d’une forme allongée, arrondie aux deux extrémités, inégale, ayant des espèces d’yeux enfoncés tout autour, qui sont autant de germes de la plante, de la longueur de trois à quatre pouces.
On estime encore la variété violette et même la variété brun noir.
Cette plante se sème au mois de mars; Elle demande une terre meuble et grasse, labourée profondément : Les uns font des trous avec le plantoir, et y jettent la semence : d’autres font des rayons avec la binette, et la répandent dedans, en la recouvrant de trois ou quatre pouces de terre.
Cette dernière façon est la meilleure.
Au reste, cette semence n’est autre que le fruit même qu’on coupe en six , huit ou dix morceaux, suivant sa grosseur ; car, pourvu qu’il se trouve un œil dans chaque morceau , il n’en faut pas davantage.
On peut également semer les petites truffes toutes entières, à la grosseur d’une noisette, qu ‘on met à part tous les ans quand on les arrache : on les espace à douze ou quinze pouces les unes des autres.
Quand elles sont levées à une certaine hauteur, on les serfouit … Il n’y faut
pas d’autre culture.
Quelques-uns cependant leur coupent la fane à moitié, quand elle est à peu
près à sa hauteur, pour faire mieux profiter le pied ; d’autres l’abattent contre la terre, et jettent une bêchée de terre dessus; mais le plus grand nombre n’y fait rien.
Et j’ai éprouvé qu’il vient fort bien sans aucune de ces précautions …
On arrache les pieds à la fin d’octobre, et on détache les fruits, si la terre n’est pas trop scellée.
La fourche convient mieux pour cela qu’aucun outil tranchant.
On laisse un peu ressuyer le fruit et on l’enferme ensuite, en observant qu’il ne
faut pas une serre trop chaude, qui le ferait germer, ni une cave trop humide, qui le ferait pourrir, ni aucun lieu où la gelée puisse pénétrer.
Elle se conserve ainsi jusqu’au mois de Mai.
Je dirai aussi un mot en passant d’une autre espèce de truffe qui croît naturellement dans les étangs de quelques Provinces, particulièrement
dans le Bourbonnais et dans la Bourgogne: on la nomme de plusieurs autres noms ,truffe ou truffe d’eau, macre, cornouelle, châtaigne d’eau,
écharbot, etc.
Ce fruit est produit par une plante aquatique; sa forme est cornue, de la grosseur d’une noix, son écorce brune et son amande blanche.
Son goût est douceâtre, approchant de celui de la châtaigne. On le prépare de différentes façons …
Les meilleures variétés de la pomme de terre sont les suivantes : Pomme de terre de Douai, Pommes des Ardennes, de la Côte-d’Or, la truffe d’août de Paris,
d’Août de Jemmapes, la Bonne-Jaune de l’ancien département des Forêts, la Bleue-Noirâtre de DesCroisilles, la Berbourg, la petite Rose-Pâle de DesCroisilles, la Grosse-Jaune de la halle de Paris, la Jaune ronde moyenne de la halle de Paris, la pomme de terre de Frise.
L’almanach du Bon Jardinier indique les variétés suivantes comme les meilleures que l’on puisse cultiver aux environs de Paris :
Le Cornichon jaune, ou Hollande jaune de la halle de Paris, la Truffe d’août de Des Croisilles, la Naine hâtive, que l’on mange dès le mois de juin , la Chave, ou plutôt Shaw, très précoce aussi, la tardive d’Irlande, ou la pomme de terre Suisse. »
…………..
Il n’est pas croustillant, ce petit texte ?
Moi, ça me fait saliver de le lire autant qu’en pensant à une bonne assiette de patates nouvelles fraîches-cueillies du jardin juste cuites en robe des champs et écrabouillées avec un peu de bon beurre au lait cru et quelques grains de sel gris de Guérande ! Mmhhh….
PARMENTIER étudiant la pomme de terre
(Archive Bibliothèque Nationale de France)
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